Madame la Présidente,
L’universalité, indivisibilité et l’interdépendance des droits de l’homme ont été réaffirmées à maintes reprises par les plus hautes instances des Etats membres des Nations Unies à diverses occasions et la Déclaration de Vienne ne laisse aucune ambiguïté à ce propos.
Adopté il y a près de quarante ans, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est l’un des piliers du droit international en matière de droits de l’homme et a un caractère contraignant pour les Etats.
Aujourd’hui, nous sommes surpris de constater que certains Etats avancent divers arguments pour s’opposer à l’adoption d’un protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels lequel permettrait la saisine du Comité des droits économiques, sociaux et culturels en cas de violation de ces droits.
Ainsi, selon certains de ces opposants, les droits économiques, sociaux et culturels ne seraient pas justiciables, contrairement aux droits civils et politiques. Pourtant, de nombreux pays non seulement ont inclus des droits économiques, sociaux et culturels dans leur législation nationale, mais ont mis également en place des instances judiciaires pour sanctionner les violations de ces droits.
Sur le plan régional, les mécanismes des droits de l’homme sont en voie d’être harmonisés. En effet, avec l’entrée en vigueur le 1er juillet 1998 du Protocole additionnel à la Charte européenne des droits de l’homme, il est possible de déposer une plainte devant les juges de Strasbourg sur des questions relatives aux conditions de travail et à la protection sociale. La Cour interaméricaine des droits de l’homme prévoit des procédures similaires depuis l’entrée en vigueur du « Protocole de San Salvador » le 16 novembre 1999. Quant à la Commission africaine des droits de l’homme, elle a la compétence pour traiter de ces questions depuis sa création le 2 novembre 1987.
Au niveau international, nous ne disposons d’aucun mécanisme pour sanctionner les violations des droits économiques, sociaux et culturels. Comme chacun le sait, le mandat de la Cour pénale internationale concerne essentiellement les crimes de guerre et de génocide.
Pour d’autres opposants, le manque de ressources financières serait le principal obstacle pour la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Cependant, le manque de ressources n’empêche nullement les Etats de prendre des mesures législatives, afin de créer des conditions préalables à la jouissance de ces droits, et demander, en cas de carence de ressources, la mise en œuvre de la coopération internationale, conformément à la Charte des Nations Unies.
Faut-il le rappeler, le respect des droits humains et l’assurance d’une vie digne est une question de volonté politique. A titre d’exemple, classé cinquième pays le plus pauvre de l’Amérique Latine avec 2712 dollars américains par habitant, Cuba a doté d’installations sanitaires adéquates 99% de ses ménages urbains et 95% des ménages ruraux. La plupart des ménages sont munis également de fourneaux à gaz et le reste reçoit une ration mensuelle de charbon de bois ou de bois de chauffage pour cuisiner, selon les donnés de l’UNICEF1.
Et que penser du monde d’aujourd’hui qui dépense 1 000 milliards de dollars américains pour l’armement par année contre 50 milliards de dollars pour l’aide au développement2 ?
Madame la Présidente,
Comment peut-on protéger un droit, si l’on ne prend pas de sanctions en cas de violation de celui-ci ? De plus, le caractère transnational des violations des droits économiques, sociaux et culturels nécessite la mise en place urgente d’un mécanisme qui prévienne les violations de ces droits et, le cas échéant, les sanctionne.
A notre avis, le projet de protocole élaboré par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels constitue une bonne base de travail pour le Groupe, mais nécessite quelques améliorations. En effet, le projet devrait tenir compte :
1) du caractère transnational des violations des droits économiques, sociaux et culturels et des jurisprudences des organes conventionnels ;
2) des violations commises par les sociétés transnationales, les institutions commerciale et financières internationales, vu leur domination sur l’économie mondiale ;
3) des plaintes entre Etats ;
4) des plaintes individuelles visant les Etats dont les plaignants ne sont pas ressortissants et/ou ne se trouvent pas sous leur juridiction.
Madame la Présidente,
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose d’un mécanisme de plainte depuis presque trente ans alors que celui sur les droits économiques, sociaux et culturels est toujours en attente d’un tel mécanisme.
On ne peut pas se cacher éternellement derrière le premier paragraphe de l’art. 2 du Pacte qui prévoit l’assurance progressive du plein exercice de ces droits. Il y a urgence à prendre des mesures, car les violations des droits économiques, sociaux et culturels sont devenues alarmantes et on ne doit plus tolérer que ces violations restent impunies.
Madame la Présidente,
Je vous remercie de votre attention.