Monsieur le Président,
Dans le cadre du point 13, le CETIM voudrait attirer l’attention de cette instance sur les effets traumatisants des mines terrestres antipersonnel. Le 3 mai 1996, la Conférence d’examen de la Convention des Nations Unies de 1980 relative à certaines armes classiques, a adopté une version révisée du Protocole II sur l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs.
Le 3 mai aurait pu devenir une date fétiche de la lutte contre l’ignominie, l’abjection et la barbarie; elle restera hélas, dans les mémoires, comme une date de l’échec, de la couardise et du cynisme. Et pourtant, beaucoup se sont gaussés des améliorations apportées par cette révision.
En refusant d’interdire purement et simplement la fabrication, le stockage, le commerce et l’emploi de ces armes, cette révision constitue, en réalité, une trahison à l’égard des populations qui vivent déjà ou qui naîtront dans les zones infectées de mines antipersonnel, où chaque fleur peut cacher un engin de mort.
Le droit humanitaire international, serait-il sur le point de perdre ses fondements ? Tout porte à le croire, si l’on se réfère aux termes du Protocole II révisé. En effet, l’introduction de flous juridiques, relatifs notamment à la notion de mines “essentiellement conçues pour”, laisse à chacun une libre marge d’interprétation. Peut-on percevoir comme un progrès la légalisation de mines dispersables à distance, auto-destructibles, en un mot “intelligentes”, sachant que leur emplacement sera impossible à marquer ? Qu’en est-il de l’absence de nouvelle limitation à l’emploi de mines anti-chars ou anti-véhicules, connaissant leur effet indiscriminé sur les populations tant civiles que militaires ? Peut-on également percevoir comme un progrès le délai de mise en application du Protocole II révisé, sachant que les 10 années à venir permettront des centaines de milliers de victimes supplémentaires ? Et que penser des minables restrictions prévues par le nouveau Protocole eu égard à l’absence de structure de contrôle et de vérification?
Monsieur le Président,
Force est de constater que lors des négociations menées en vue de l’adoption du Protocole II révisé, des intérêts économiques l’ont emporté sur les enjeux humains et sociaux. Pour toute personne concernée par des civils tués ou mutilés, pour toute personne qui pense au possible retour de réfugiés sur des terres infestées de mines, pour toute personne qui soutient que la terre est faite pour être cultivée et non pas minée, l’adoption du Protocole II révisé n’est pas simplement insuffisante, elle est inacceptable.
Après la première guerre mondiale, l’opinion publique a pris 7 années pour se décider à interdire l’emploi de gaz toxiques, du moins en théorie, et il aura fallu 70 ans supplémentaires pour en interdire la possession. Il est à souhaiter que l’opinion publique n’attendra pas autant de temps pour exprimer sa révolte face au problème des mines antipersonnel. Nous portons tous la responsabilité de dénoncer, de stigmatiser et de faire cesser l’emploi des mines antipersonnel. A la lâcheté de ces armes, nous devons opposer le courage de notre révolte, notre persévérance et notre attachement aux valeurs promulguées par le droit humanitaire international.
Monsieur le Président,
A la lumière de la prévention, de la protection et de la promotion des droits de l’homme dont nous sommes tous censés, ici même, être les défenseurs, nous devons d’une part refuser le Protocole tel qu’il a été modifié et d’autre part demander la convocation d’une nouvelle Conférence, dans les plus brefs délais, ayant pour seul objectif l’interdiction de la fabrication, du stockage, du commerce et de l’emploi des mines antipersonnel. Il est important que les autorités politiques s’associent à cette requête, sous peine de voir le consensus mou des Etats devoir céder le pas au consensus dur d’une opinion publique indignée.
Au Moyen-Age, l’hérésie était décrite comme une divergence d’interprétation de la foi, parfois durement condamnée. En ce qui concerne les mines antipersonnel, l’hérésie n’est pas une question de divergence; elle serait l’acceptation, par le public, les organisations non gouvernementales, les parlements, les gouvernements et les organisations internationales, de différer la seule solution qui s’impose dans l’acte de barbarie constitué par les mines antipersonnel: L’INTERDICTION.