Monsieur le Président,
Malgré les déclarations de bonnes intentions de la part des dirigeants des sociétés transnationales en faveur de la bonne gouvernance et des règles éthiques dans la gestion des entreprises, on constate que leurs pratiques néfastes n’ont guère changé. Les violations des droits humains commis par des sociétés transnationales telles que conditions de travail inhumain, travail des enfants, non respect des droits syndicaux, contamination des sols, criminalité financière, fraudes, malversations comptables, corruption, fermeture illégale des usines, chantage sur les travailleurs pour la délocalisation… constituent des pratiques courantes qui profitent pleinement à ces entreprises.
A titre d’exemple, Bayer continue de produire en Inde et de faire utiliser dans les champs de coton de ce pays des produits toxiques tels que le pesticide « Monocrotophos » , produit pourtant interdit en Europe, violant ainsi le droit à la santé de ces populations et le droit à un environnement sain.
En septembre 2002, la fabrique de chaussures PT Doson de Tangerang en Indonésie, sous traitant de Nike, a licencié 7000 ouvriers. Jusque là, cette usine avait travaillé pendant dix ans exclusivement pour Nike. Après une grève, Nike a décidé de déplacer ses commandes vers la Chine et le Vietnam, obligeant PT Doson à fermer ses portes .
En Bolivie, la société pétrolière espagnole Repsol a entrepris depuis l’an dernier un projet d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures à Tentayapi sur le territoire du peuple indigène Guarani malgré son opposition ferme. Cette entreprise a violé ainsi la loi sur la Réforme agraire de Bolivie (INRA), qui reconnaît ce territoire comme « Terre communautaire d’origine » appartenant à ce peuple, ainsi que la Convention 169 de l’OIT.
Au Nicaragua, sur la base de la loi 364, les fabricants de pesticides Dow et Shell ainsi que le planteur Dole ont été condamnés en décembre 2002 et mars 2004 à payer près de 600 millions de dollars à plusieurs centaines d’ouvriers des plantations de bananes intoxiqués. Aujourd’hui, ces compagnies essayent de faire annuler ces jugements par tous les moyens, allant jusqu’à demander l’aide du gouvernement américain afin qu’il fasse pression sur les autorités nicaraguayennes. Les Etats-Unis ont ainsi menacé le Nicaragua de stopper leurs investissements si la loi en question n’était pas annulée. De ce fait, le gouvernement américain se rend complice de ces compagnies pour la violation du droit à la santé des ouvriers nicaraguayens .
La libéralisation sans limite du marché mondial du café a provoqué la chute des prix et la concentration de ce secteur dans les mains de quatre sociétés transnationales, à savoir, Kraft, Nestlé, Procter&Gamble et Sara Lee, ruinant des millions de caféiculteurs. Aujourd’hui, le revenu des caféiculteurs ne cesse de fondre. Il est passé de 12,5 milliards au début des années 90 à un peu plus de 5 milliards de dollars, alors que ces quatre entreprises précitées ont doublé leurs profits de manière indécente durant la même période. Aujourd’hui, ces compagnies affichent 60 milliards de dollars de chiffre d’affaire .
On voit bien là que les sociétés transnationales ne respectent pas les recommandations de la CNUCED consistant entre autres à l’amélioration et/ou à la stabilisation des prix des matières premières.
Enfin, dans son rapport présenté cette année à la 60ème session de la Commission des droits de l’homme, la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires n’a pas manqué de signaler que « les allégations d’exécutions extrajudiciaires de personnes ayant constitué des associations militant activement pour le respect des droits économiques sont de plus en plus nombreuses » . L’exemple des 73 travailleurs ruraux assassinés l’an dernier au Brésil pourrait corroborer ces faits.
Bien que des actions en justice aient été intentées contre certaines STN (ex. Enron, Vivendi Universal, Total, Halliburton), leur portée est très limitée. Il demeure donc nécessaire et urgent d’établir un encadrement juridique des activités des sociétés transnationales au niveau international. C’est pourquoi le Groupe de travail devrait étudier la mise en œuvre du projet de « Normes sur la responsabilité des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en matière de droits de l’homme », adopté l’an dernier par la Sous-Commission.