CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME
14e session
Point 3: Promotion et protection de tous les droits de l’homme
2 juin 2010
Monsieur le Président,
On observe depuis de nombreuses années des violations graves commises par des sociétés transnationales (STN). Ces violations ne se limitent pas aux industries extractives, elles sont présentes aussi bien dans les secteurs primaire et secondaire que dans le tertiaire y compris la finance. Ces violations s’accentuent de jour en jour en raison de la crise économique et financière en cours.
L’impunité de ces entités, capables d’être partout et nulle part pour éluder leurs responsabilités, semble être de mise étant donné que nous ne disposons toujours pas d’un encadrement juridique contraignant au niveau international de leurs activités nuisibles aux droits humains.
Pourtant, l’UNRISD avait déjà recommandé il y a quelques années de « renforcer les procédures visant à contrôler le respect des normes de l’OIT et des normes internationales relatives aux droits de l’homme, à favoriser les procédures de dépôt de plaintes » à l’égard des STN1. Nous voulons ici reprendre à notre compte cette recommandation qui a toujours son importance et sa valeur.
Le Haut-Commissaire a de son côté appelé les Etats à mettre au point des « normes universelles de droits de l’homme applicables aux entreprises »2.
L’ancienne Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme a adopté en 2003 des « Normes sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales », seule initiative internationale de portée globale et complète sur cette question, qui moisissent à ce jour dans les tiroirs de l’ONU3.
Depuis sa nomination, le Représentant spécial du Secrétaire général esquive la question essentielle des normes contraignantes pour les STN et ses rapports ne contiennent aucune proposition concrète à ce sujet. L’approche juridique du Représentant spécial se résume à des codes de conduite volontaires pour les STN alors que la faillite de cette option n’est plus à démontrer.
Son approche juridique se reflète également dans sa méthode de travail. En effet, sous couvert d’une consultation ample et englobant divers secteurs sociaux, les véritables interlocuteurs du Représentant spécial restent les organisations patronales et les experts des entreprises, comme nous avons pu l’observer lors des « consultations » en octobre dernier qu’il a organisé. En particulier, nous déplorons que les principaux mouvements sociaux et organisations syndicales internationales n’aient pas été consultés.
L’idéologie dont s’inspire le travail du Représentant spécial est reflétée dans le § 121 de son rapport annuel. En effet, se voulant pragmatique, le Représentant spécial veut s’occuper des injustices « réparables ». Mais il se garde bien de nous dire qui décidera et qui a la légitimité de décider si une injustice est réparable ou non.
Dans ce contexte, la proposition du Représentant spécial consistant à créer un « Focal point for business and human rights » au sein de Haut-Commissariat aux droits de l’homme ne nous semble pas répondre aux défis posés par la puissance des STN et la portée des violations des droits humains commises.
A l’heure actuelle, nous estimons nécessaire et urgent la création d’un mécanisme basé sur des normes internationales des droits humains avec un mandat pour surveiller et sanctionner les violations des droits humains commises par les STN.
Genève, le 2 juin 2010