Nouvelles déclarations du CETIM et de La Via Campesina

09/02/2017

Le groupe de travail inter-gouvernemental sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales s’est réuni. Ses membres étaient à Genève pour des consultations informelles avec des représentants des Etats. Le CETIM et La Via Campesina ont continué leur travail de sensibilisation et d’information auprès des missions diplomatiques.

Lisez la déclaration de Vincent Delobel, membre de La Via Campesina:

“Chère Madame l’Ambassadrice Présidente-Rapporteur, Excellences, Chers Représentants gouvernementaux et non-gouvernementaux, Tout d’abord, je vous remercie de me donner l’opportunité de vous faire part de notre réalité agricole actuelle au sein de ce processus. Je suis paysan membre du MAP et de la FUGEA (La Via Campesina), plus précisément éleveur caprin dans un petit village du sud de la Belgique, au cœur de l’Europe. Il y a dix ans, nous étions dix-sept agriculteurs dans ce village, tous produisions du lait et des céréales. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que sept dont trois producteurs de lait. Cinq de mes sept collègues ont plus de cinquante ans. Produire pour l’industrie ne rémunère plus, l’agrandissement d’échelle n’est même pas parvenu à maintenir le revenu des quelques agriculteurs qui ont pu s’engager dans cette voie. L’agriculture paysanne européenne, autrefois montrée en exemple, est en train de disparaître sous vos yeux, emportant ainsi tout son patrimoine humain, matériel et immatériel.

En réponse à cette crise, des paysans partout en Europe et dans le monde se lèvent et décident de changer leur manière de cultiver, d’élever, de transformer et de vendre leur production. Nous sommes chaque jour plus nombreux à vouloir rétablir le sens profond et la dignité de notre métier. Nous développons toutes ces nouveautés localement, en s’inspirant des connaissances et savoir-faire traditionnels, de nos propres observations et essais, ainsi que de ce qui se fait ailleurs dans le monde. Notre mission est de cultiver et élever sans poison, d’adapter nos productions aux attentes particulières de nos communautés respectives, en rendant toute terre qui nous est confiée durablement nourricière.

Ces nouvelles pratiques agricoles durables, économes et autonomes, ne peuvent réaliser des performances viables et authentiques que si elles sont accompagnées du développement d’une grande diversité de semences, races animales, croisements et populations adaptés à cette diversité d’agricultures. Ce développement doit être porté par une dynamique collective qui assure l’appréciation et l’amélioration constante de la qualité. C’est pourquoi nous, paysans, demandons non seulement la liberté de ne pas se voir imposer des semences brevetées, de manière directe ni indirecte par contamination, mais aussi le droit de développer, échanger, conserver et vendre ces semences et races animales au sein de nos familles, collectifs, réseaux et communautés locales. Ce droit ne sera réalisé qu’avec le soutien et la protection effectifs des Etats, notamment à l’égard des organismes génétiquement modifiés et toutes les autres formes de tentatives des empires agro-industriels de s’accaparer et contrôler le vivant. Nous demandons aussi de pouvoir collaborer plus directement avec les centres de recherche afin de développer ces semences diversifiées, notre source de résilience face aux changements climatiques.

Nous, les jeunes paysans, avons besoin davantage de libertés formellement garanties dans le long terme et en des termes cohérents, précis et spécifiques. Comment construire nos fermes durables dans un tel climat d’insécurité économique, politique, juridique, sanitaire et foncière ? Dans ce climat de crise profonde, la déclaration de l’ONU sur les droits des paysans est pour nous un signe d’espoir vital et salutaire de voir pérenniser nos droits aux semences, à la terre, à la santé, à l’eau et à un revenu décent. Ce processus international génère beaucoup d’enthousiasme dans le milieu agricole paysan et toute la société civile qui nous soutient, j’en veux pour preuve le grand congrès sur les droits paysans globaux organisé très prochainement en Allemagne.

Mesdames, Messieurs, l’heure est grave, je vous le répète, notre base nourricière disparaît sous vos yeux. Au nom des jeunes paysans européens, je vous demande de comprendre l’urgence d’adopter ce cadre juridique international dans lequel, nous pourrons, nombreux, cultiver et élever la Terre Mère et ainsi nourrir nos concitoyens de manière saine et durable.

Merci pour votre écoute.”

Catégories Actualités Campagnes Droits des paysans DROITS HUMAINS
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