La Colombie vers la Paix, rencontres et réflexions sur le terrain. Rapport sur la Mission d’observation de la Mairie de Genève dans le cadre du processus de paix en Colombie (août 2017).
Rémy Pagani
Maire de Genève
Présenté sous forme d’un livre « poche » bilingue français-espagnol, ce rapport constitue avant tout un témoignage original sur le processus de paix en cours en Colombie. Le maire de Genève, Rémy Pagani, est certes un élu municipal de la gauche genevoise, mais il a également été durant de nombreuse années un militant de mouvements d’habitants en lutte contre la spéculation immobilière et la gentrification, puis un responsable syndical pugnace. Au sein de la « gauche de la gauche » genevoise il constitue à sa façon une exception : malgré l’exercice d’une politique très proche des milieux populaires, il se fait un point d’honneur d’exercer dans un exécutif et pas uniquement en tant que tribun dénonciateur d’injustices. C’est ce pragmatisme engagé au niveau local, couplé à une fraîcheur de vue sur les questions latino-américaines (qu’il ne connaissait pas avant ce voyage) qui rend son témoignage accessible et intéressant pour des personnes n’ayant pas nécessairement développé une culture politique cosmopolite, si caractéristique de l’altermondialisme des années 1990 – 2000.
Sans en faire un cheval de bataille ou une clé de lecture dans cet ouvrage, Pagani développe un point de vue forgé par sa pratique « municipaliste » ancrée sur les stratégies de la gauche radicale suisse : une pratique permanente de la démocratie semi-directe pour « équilibrer » des rapports de force institutionnels au niveau législatif et exécutif, souvent verrouillés par des pratiques cartélaires entre partis « de gouvernement », réunis par une vision néolibérale. En ce sens, son point de vue fait écho à un des enjeux principaux du processus de paix colombien et plus généralement des débats constitutionnels latino-américains : l’exercice de formes de démocratie directe (prévues par la Constitution colombienne, mais peu viables jusqu’ici en raison du conflit armé) sur des questions précises relatives notamment à l’usage des ressources naturelles en milieu rural, plus spécifiquement dans le cas présent l’exploitation minière et l’hydroélectricité.
Par ailleurs, l’ouvrage montre le caractère stratégique (bien que symbolique) de la visite du Maire de Genève, ville dépositaire des Conventions éponymes, dans un contexte d’insécurité persistante pour les partenaires de la coopération au développement de la municipalité genevoise et leurs alliés. La Mission a, en effet, permis des échanges avec le Ministre de l’Intérieur du la Colombie, des présidents des chambres parlementaires, avec les « Chargés de paix » des guérillas, mais également avec le responsable du CICR et du Haut Commissariat aux droits de l’homme des nations Unies, deux institutions basées à Genève.
La forme éditoriale de l’ouvrage est par ailleurs très originale : bilingue (français – espagnol) il réunit les deux versions du même texte autour d’un feuillet photographique central. Cette forme traduit bien le double propos du livre : aux francophones, offrir un témoignage et une vision du rôle que peuvent jouer les élus locaux et le gouvernements municipaux européens en soutenant des processus de construction de « paix juste » au sein de pays ravagés par l’héritage colonial ; aux hispanophones (plus particulièrement la société colombienne), montrer que leur réalité est suivie avec attention et intérêt depuis la ville dépositaire des Conventions de Genève et que les initiatives, les solutions, mais aussi les crimes que commettent (ou tolèrent) encore aujourd’hui certains acteurs colombiens ne laissent personne indifférent.
Louca Lerch
Responsable de Programme Fondation Ch. Léopold Mayer
Lausanne, 09.04.2018