STN et droits humains : dérives et déceptions à l’ONU

23/03/2022

COMMUNIQUE DE PRESSE

Genève, le 22 mars 2022 – La présentation du rapport de la 7e session du Groupe de travail sur les sociétés transnationales et les droits humains déçoit en focalisant le débat sur les normes volontaires.

Le 16 mars 2022, dans le cadre de la 49e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, l’Ambassadeur de l’Equateur, en tant que Président-Rapporteur du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et les droits humains, a présenté le rapport de la 7e session du Groupe de travail qui s’est tenue en octobre 2021. Outrée, la Campagne mondiale pour réclamer la souveraineté des peuples, démanteler le pouvoir des transnationales et mettre fin à l’impunité (la Campagne mondiale) a fait plusieurs interventions suite à la présentation dudit rapport.

Au cours de son discours, le Président-Rapporteur a omis d’évoquer la suite des négociations sur un traité contraignant sur les STN ainsi que la façon de relever les futurs défis de ce processus historique. D’autre part, le Président-Rapporteur n’a pas fourni d’informations sur la composition du «Groupe des Amis du Président», dont la création a été annoncée lors de la 7e session du Groupe de travail, en octobre 2021. Ce nouvel organe composé de représenant·es de certains États pourrait avoir un poids considérable lors des prochaines décisions concernant le futur instrument sur les STN, ce qui aurait de fait des implications considérables pour la suite du processus. Sur ce point en particulier, la Campagne mondiale a publié une lettre ouverte au Président-Rapporteur, exprimant la nécessité de maintenir la transparence et la pluralité dans le processus. Vous pouvez la lire ici en anglais.

Un autre point d’inquiétude est le focus que l’Ambassadeur équatorien a fait sur la question des normes volontaires. Faut-il le rappeler, le processus en question a été conçu pour combler les lacunes et l’inefficacité des normes volontaires, à travers l’élaboration d’un cadre international juridiquement contraignant sur les STN et les droits humains. Le Conseil des droits de l’homme n’étant absolument pas le lieu adéquat pour discuter et promouvoir les normes volontaires, cette attitude découle, à notre avis, d’une volonté affichée de suivre la stratégie de certains États détracteurs du processus dont l’objectif est de saper le débat sur les normes contraignantes à travers une série de manœuvres contre le mandat de la Résolution 26/9 et, par conséquence, contre le caractère démocratique du processus.

Le travail de plaidoyer que la Campagne mondiale a réalisé au cours des huit dernières années pour l’élaboration d’un traité contraignant qui prenne en compte la perspective des communautés affectées ainsi que celle des mouvements sociaux souffre chaque année des tentatives de sapes de la part des STN, relayées par certains États puissants, qui essaient à chaque fois de limiter la participation de la société civile.

Il convient de rappeler à quel point il a toujours été difficile pour les mouvements sociaux de participer aux espaces de discussion onusiens, soit en raison des coûts élevés pour y participer, soit en raison de l’absence d’interprétation lors des consultations informelles, soit encore en raison des différents fuseaux horaires. C’est pourquoi nous dénonçons avec véhémence le fait que le Conseil des droits de l’homme ait décidé de limiter davantage la voix de la société civile dans les débats généraux. 

Rappelant que l’objectif du traité contraignant est de combler les lacunes du droit international et de réglementer les STN, Erika Mendes, pour Justiça Ambiental/Amis de la Terre Mozambique, a souligné que : «Nous avons besoin d’un champ d’application clair sur les STN avec une mention explicite de leurs chaînes de valeur mondiales, afin de garantir que toutes les filiales, les sous-traitants et les fournisseurs soient couverts par le futur instrument. Les structures complexes et opaques des STN sont l’un des piliers de leur impunité qui profitent du fait que les différentes entités juridiques faisant partie de leurs chaînes sont enregistrées dans différents pays, avec des niveaux très inégaux de protection juridique des droits humains et de l’environnement».

Manoela Roland du Centro de Direitos Humanos e Empresas (HOMA-Universidade de Juiz Fora) a relevé l’importance de «Réaffirmer la primauté des droits humains sur tout autre instrument juridique international et, en particulier, sur les accords de commerce et d’investissement», ainsi que «d’établir des obligations directes pour les STN, qui pourraient être facilement créées en transformant certaines dispositions existantes sur la prévention, par exemple, l’article 6 (Prévention) ; les obligations des STN étant différentes et distinctes des obligations des Etats, et la nécessité de les inclure soulignée à chaque session de négociation par certains Etats et de nombreux experts juridiques». 

Au cours du débat, Lilián Galán, membre du Parlement de l’Uruguay et représentant du Réseau interparlementaire mondial (GIN), s’exprimant au nom du Transnational Institute a soulignée que : «La septième session du Groupe de travail créée par la résolution 26/9 a réaffirmé que le processus d’élaboration d’un traité contraignant sur les sociétés transnationales et les droits humains est toujours en cours. En tant que parlementaire du Sud et membre du GIN, je constate les efforts continus et persistants de certains États (principalement du Nord) et d’organisations représentant les intérêts des STN pour diluer la portée du traité. Il est urgent que la quatrième version du traité en cours de préparation soit solide et réponde aux demandes des communautés et des secteurs affectés.»

Mary Ann Bayang, de l’organisation Indigenous People’s Rights International, a parlé des attentes des communautés affectées quant à ce futur traité : «Face à l’absence ou à la faiblesse d’un cadre juridique national pour protéger nos droits, nous attendons de cet instrument international juridiquement contraignant qu’il nous permette de poursuivre les STN dans les pays où se trouve leur siège principal pour des actes commis tout au long de leur chaîne de valeur ; qu’il établisse un tribunal international chargé des violations des droits humains et des abus commis dans le cadre des activités des STN; et qu’il garantisse que ces mécanismes de recours soient accessibles à tous et toutes, en particulier aux secteurs marginalisés et vulnérables de nos sociétés. Dans le Sud, nous avons besoin de toute urgence d’un instrument juridiquement contraignant pour réglementer les sociétés transnationales».

Au vu de ce qui précède, la Campagne Mondiale réaffirme son engagement à poursuivre activement la défense du mandat du Groupe de travail sur les sociétés transnationales et les droits humains afin que le futur Traité International institue effectivement des normes contraignantes pour établir la responsabilité des STN et diminuer les asymétries de pouvoir qui existent entre les sociétés transnationales, la majorité des Etats et surtout les communautés affectées.

Pour rappel, la Campagne mondiale pour réclamer la souveraineté des peuples, démanteler le pouvoir des transnationales et mettre fin à l’impunité (la Campagne mondiale) représente des centaines de millions de personnes affectées par les sociétés transnationales dans le monde.

Contacts:

Julia Fernandes, Coordination de la Campagne mondiale, Movimento dos Atingidos por Barragens, facilitation@stopcorporateimpunity.org

Sol Trumbo, Groupe de communication de la Campagne, Transnational Institute, soltrumbovila@tni.org 

Raffaele Morgantini, Coordination du Groupe de Travail de la Campagne mondiale sur le Traité contraignant, CETIM, +41796606514, contact@cetim.ch

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