Commerce et biodiversité: deux domaines au cœur de l’interaction entre droit au développement et UNDROP

02/12/2024

Session du mécanisme d’experts sur le droit au développement : retour sur la discussion thématique «Commerce, biodiversité et droit au développement : une équation à construire »

La Via Campesina et le CETIM ont participé aux discussions thématiques organisées lors de la 10è session du Mécanisme d’experts de l’ONU sur le droit au développement. Danilo Borghi du CETIM nous rapporte dans cet article la teneur de la discussion thématique sur le commerce et la biodiversité, ainsi que les raisons motivant spécifiquement l’implication de La Via Campesina lors ces discussion autour du droit au développement.

Le droit au développement a été inscrit pour la première fois dans le droit international en 1986, avec l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur le Droit au Développement. Cette déclaration a été initiée par une grande majorité de pays du Sud qui subissaient de plein fouet les inégalités mondiales et les pratiques de développement du haut vers le bas qui ne répondaient pas aux besoins de leurs populations.

En 2019, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a créé un Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement, composé de cinq expert.es indépendant.es issus de différentes régions, afin de soutenir les États membres dans la mise en œuvre du droit au développement. Le mécanisme organise des sessions annuelles auxquelles les organisations de la société civile dotées du statut consultatif auprès des Nations unies peuvent participer.

La 10e session du mécanisme d’experts sur le droit au développement s’est tenue du 28 au 30 octobre 2024 au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève. Dirigée par le président en exercice du mécanisme, M. Mihir Kanade, la session a exploré la relation entre le développement autodéterminé et divers sujets critiques, notamment la domination des sociétés transnationales sur les marchés mondiaux, la coopération internationale au développement, la participation significative de la société civile au développement inclusif, l’intelligence artificielle et les droits culturels, ainsi que le liens entre commerce et protection de la biodiversité.

Lors de la discussion thématique intitulée « Commerce, biodiversité et droit au développement : une équation à construire », le CETIM et LVC ont fait une déclaration commune sur le besoin urgent d’un système commercial qui défend les droits des paysan.nes, la biodiversité et la souveraineté alimentaire, tout en combattant la marchandisation de la nature à des fins de profit privé et les pratiques modernes de biopiraterie.

Nous y avons ainsi soutenu que l’UNDROP et la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement devraient servir de base à un système commercial qui non seulement protège les droits humains et la biodiversité, mais promeut également des systèmes alimentaires plus équitables respectant les droits des paysan.nes, des communautés rurales, des peuples indigènes, des travailleurs et des migrants. Il est important de souligner que la réalisation du droit des paysan.nes au développement est intrinsèquement liée à la réalisation de leur droit à la souveraineté alimentaire.

En effet , la Déclaration sur le droit au développement le définit comme « un droit inaliénable de l’homme en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer au développement économique, social, culturel et politique […] et de bénéficier de ce développement » (article 1.1). En outre, le droit au développement est fondé sur le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » (article 1.2), ainsi que sur leur « participation active, libre et utile au développement et à la répartition équitable des avantages qui en résultent » (article 2.3).

En définitive, la réalisation de la souveraineté alimentaire et des autres droits des paysan.nes signifie la réalisation de leur droit au développement. L’appropriation de ce droit et de cette Déclaration par les organisations paysannes paraît alors essentiel afin d’en faire, non seulement un outil complémentaire à leur lutte, mais aussi un cadre intersectionnel de convergence des luttes en faveur des droits défendus par l’UNDROP. Cela souligne l’importance de construire des ponts entre les droits des paysan.nes et les défenseurs du droit au développement. Au niveau des Nations unies, le CETIM et LVC ont contribué à cet effort, comme en témoigne notre participation à cette session annuelle du mécanisme d’experts sur le droit au développement.

Pour cette discussion thématique des panélistes ont été spécifiquement invités par le Mécanisme d’experts, parmi lesquelles Geneviève Savigny, actuelle présidente du groupe de travail des Nations unies sur les droits des paysan.nes et membre de la Confédération paysanne (La Via Campesina France).

Mme Savigny a souligné l’importance vitale de la biodiversité pour les paysans du monde entier et le rôle qu’ils jouent dans la préservation, le respect et la valorisation de la diversité biologique et de la nature dans son ensemble. Elle a souligné que, pendant des siècles, les paysans ont joué un rôle central dans la promotion de la biodiversité par le biais de pratiques agricoles traditionnelles. Toutefois, elle a indiqué que ces pratiques sont gravement menacées par le système commercial international actuel, qui est façonné par des accords de libre-échange et des droits de propriété intellectuelle qui réglementent les marchés des semences et la commercialisation en faveur de l’agro-industrie monoculturelle à grande échelle. Ces mécanismes commerciaux, par exemple, empêchent les paysans de reproduire et de partager leurs propres semences – des pratiques qui, comme nous le rappelons depuis longtemps, font partie intégrante de leur profession, de leur identité et de leur lien profond avec la terre et les connaissances traditionnelles.

Il ne fait aucun doute que le cadre du droit au développement est une norme stratégique dans nos efforts de mise en œuvre de l’UNDROP et de réalisation des droits des paysans aux niveaux national, régional et international.

Cet article a également été publié sur le site Defending Peasants’ Rights.org, vous pouvez le consulter ici.

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