Une délégation de l’Union des populations affectées par les activités de l’entreprise pétrolière Texaco-Chevron en Équateur (UDAPT) a participé à la 29ème session du Conseil des droits de l’homme avec l’appui du CETIM pour dénoncer la campagne sans merci que mène la société transnationale avec l’objectif de criminaliser ses victimes et faire taire ses défenseur·euse·s
Genève, le 18 juin 2015 – Le cas Chevron se réfère au litige que maintiennent depuis 22 ans des communautés autochtones et paysannes en Équateur contre la société transnationale Chevron pour exiger justice et réparation pour les dommages causés en 26 ans d’exploitation pétrolière en Amazonie équatorienne.
Chevron a souillé plus de 450’000 hectares d’une des zones de la planète les plus riches en biodiversité, détruisant les conditions de vie et de subsistance de ses habitants, provoquant la mort de centaines de personnes et une augmentation brutale des taux de cancers et autres graves problèmes de santé. Plus de 60 milliards de litres d’eaux toxiques ont été déversés dans les rivières, 880 fosses de déchets d’hydrocarbures ont été ouvertes, et 6.65 milliards de mètres cube de gaz naturel ont été brûlés à l’air libre.
«Cette pollution n’est pas le fait d’un accident»
«Le pire c’est que cette pollution n’est pas le fait d’un accident mais de l’usage délibéré de techniques polluantes et de technologies obsolètes afin de faire des économies», a souligné Maria Eugenia Garces, représentante de la UDAPT, durant la conférence parallèle «Chevron vs. le peuple d’Équateur: comment une grande société transnationale tente de criminaliser ses victimes et faire taire des défenseurs», organisé par le CETIM le 16 juin au Palais des Nations à Genève.
«Cet exemple montre qu’il n’y a pas que les États qui violent les droits humains, les entreprises le font aussi, à travers des pratiques systématiques et généralisées qui nient les droits fondamentaux de leurs travailleurs et de la société au sein de laquelle elles s’insèrent», a insisté Eduardo Toledo, avocat des victimes auprès de la Cour pénale internationale (CPI) durant la conférence.
Malgré les jugements des tribunaux équatoriens qui ont condamné Chevron à payer 9,5 milliards de dollars pour être à l’origine du pire désastre environnemental de l’histoire de l’humanité, la compagnie pétrolière nie sa responsabilité, consacre d’énormes efforts et ressources pour ignorer la sentence, persécuter les victimes et faire taire leurs défenseur·euse·s. L’avocat principal de Chevron a dit publiquement en mai 2009 que la compagnie «allait se battre jusqu’à ce que l’enfer se couvre de glace et continuera ensuite de se battre sur la glace».
La délégation a présenté une déclaration orale en plénière du Conseil des droits de l’homme pour dénoncer la campagne médiatique, judiciaire, économique et scientifique que mène Chevron contre les populations affectées et leurs défenseurs depuis sept années consécutives pour assurer son impunité et éviter l’application de la décision judiciaire.
«Chevron a engagé 60 cabinets et 2’000 avocats, des agences de relations publiques et des lobbyistes pour mettre en œuvre sa stratégie qui consiste principalement à intimider et effrayer jusqu’à réussir à faire taire toute personne qui se risque à élever sa voix en faveur des communautés affectées», a expliqué Maria Eugenia Garces.
La délégation a présenté les cas d’intimidation, de persécution et de poursuites juridiques contre les populations affectées, les journalistes, les collaborateur·trice·s, les avocat·e·s, les militant·e·s, les citoyen·ne·s indépendant·e·s et même les investisseurs qui demandaient à la compagnie pétrolière de traiter ce cas avec responsabilité.
Maria Eugenia Garces a souligné que «les violations de droits humains ne sont possibles que quand elles sont exécutées dans l’ombre et restent dans l’ombre. Faire taire les victimes pour que personne ne connaisse leur existence est l’une des manières d’éviter la réprobation du public et d’être tenu responsable pour les actes à leur encontre».
«Convertir les victimes en criminels»
Eduardo Toledo a mis en évidence «la mise en œuvre d’une campagne juridique aux États-Unis et dans les autres pays auquel s’adressent les plaignants afin de faire apparaître la sentence équatorienne comme une fraude et de convertir les victimes en criminels et la compagnie pétrolière en innocente, avec le seul objectif de retarder l’issue à laquelle tôt ou tard on finira par arriver : la réparation des dégâts causés dans les territoires équatoriens».
En février 2011, Chevron a présenté une plainte devant un tribunal de New York en accusant les plaignants équatoriens et leurs soutiens d’extorsion. D’après la sentence rendue, la décision des tribunaux équatoriens était frauduleuse et les campagnes publicitaires, la création de pages web, de blogs et les demandes adressées aux autorités gouvernementales par les ONG peuvent être considérées comme une tentative d’extorsion criminelle. Un recours a été déposé le 2 juillet 2014 mais ce jugement a déjà eu des conséquences catastrophiques pour les victimes et leurs défenseur·euse·s, à savoir les criminaliser, les priver de soutien financier, et jeter des soupçons sur leur intégrité et leur crédibilité.
Face à ces évidences de violations des droits humains commises par Chevron, l’intervention urgente du Conseil des droits de l’homme et de ses procédures spéciales a été sollicitée afin de faire cesser ces attaques contre les victimes et leurs défenseur·euse·s, et de faire respecter la sentence des tribunaux équatoriens.
Pour plus d’information sur ce cas, voir les déclarations écrites présentées par le CETIM au Conseil des droits de l’homme en juin 2014 (ici) et en juin 2015 (ici).