Monsieur le Président,
Les sièges vides de certains pays dans la présente conférence montraient hier un triste spectacle. L’adoption accélérée de la déclaration finale, sous pression occidentale, afin de couper cours à tout débat public, tout en clamant haut et fort qu’on a ainsi « sauvé la liberté d’expression », montre quel cas, dans la réalité, les pays occidentaux font de cette « liberté d’expression » qu’ils vantent tant.
Depuis Durban I, les pays occidentaux n’ont eu de cesse d’en effacer les réelles avancées. Pour y parvenir, ils sont allés jusqu’à prendre le risque de mettre en péril un processus qui nous concerne toutes et tous. Par leurs manoeuvres, ils ont finalement réussi à arracher un texte banal, expurgé de toute référence à des situations concrètes, qui marque un fort recul par rapport à Durban I alors que cette conférence devait en assurer le suivi. Ce faisant, ils prennent le risque d’abandonner les victimes du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée à elles-mêmes. Leur obligation et leur responsabilité en tant qu’Etats membres nous représentant, est de tout faire pour que ces violations massives des droits soient punies et d’insister pour que le plan d’action décidé à l’issue de la conférence de Durban en 2001 soit à la fois appliqué et effectif dans l’ensemble des pays, sinon l’universalité des droits que tous les Etats disent vouloir atteindre restera un rêve et le signe de l’enfer pour les victimes.
Dans ce contexte, il est inadmissible que la question concernant le Moyen-orient, aussi grave soit elle, soit instrumentalisée pour boycotter et occulter toutes les autre situations touchant au racisme.
S’agissant de cette région du monde, le 10 novembre 1975, l’Assemblée Générale des Nations Unies par la Résolution 3379 (XXX) reconnaissait que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ».
Le 16 décembre 1991, par sa résolution 46/86, cette même Assemblée a désavoué cette décision. Si le revirement de l’Assemblée générale reste à analyser, il n’en reste pas moins que les raisons qui ont poussé en 1975 la majorité des Etats à mettre au pilori le sionisme restent justifiées.
En effet, l’Etat d’Israël s’est construit d’une part, sur le principe du sionisme, fondé sur l’idée que les Juifs où qu’ils habitent constituent un seul peuple, et, d’autre part, sur la loi du Retour (1949) et sur celle portant sur la propriété des Absents. Les deux lois à elles seules justifient la Résolution 3379 car elle confirme que le sionisme repose bien sur une «(…) doctrine de différenciation ou de supériorité raciales toujours scientifiquement fausse, moralement condamnable, socialement injuste et dangereuse. »
Plusieurs décennies après, les citoyens arabes israéliens (20% de la population) sont toujours victimes de la politique discriminatoire mise en place par ce régime que les tribunaux israéliens légitiment comme « l’Etat souverain du peuple juif ». De fait, l’ensemble des droits (droit à l’emploi, droit à la santé, à l’éducation, au logement, à une justice équitable et même à la représentation politique…) sont accordés en fonction de la descendance d’où découlent des privilèges sociaux à l’origine d’un sentiment de supériorité qui, donnant lieu à un traitement d’exclusion, se manifeste au quotidien souvent violemment contre les minorités arabes et autres.
Après tant de décennies, cette supériorité s’exerce encore sur la Palestine, victime d’un plan de partage décidé par les pays occidentaux, qui n’ont su trouver d’autre réponse aux six millions de Juifs exterminés. Les Palestiniens, sous occupation, subissent un enfermement toujours plus contraignant mis en place au prétexte du droit à la sécurité pensé unilatéralement et avec le soutien de nombreux pays occidentaux. La plupart des Palestiniens voient leur vie détruite, morcelée, niée au nom d’une dite « seule démocratie » de la région qui montre ses aptitudes à produire de l’exclusion, des discriminations et des politiques racistes en tant que système d’Etat.
Dès lors, la communauté internationale doit prendre ses responsabilités en faisant fonctionner les mécanismes de sanctions contre l’Etat d’Israël. Ce dernier se met ouvertement hors du droit international en ne respectant pas ses obligations mais aussi fait courir à l’ensemble du monde un risque en participant à la dérégulation du droit international par le biais de la restructuration des rapports de force d’un ordre mondial basé sur la violence.
Nous pensons que, compte tenu de la déclaration finale de Durban 2001 mais aussi de l’ampleur de la colonisation israélienne et donc de l’occupation qui a atteint un point jamais égalé avec l’agression subie récemment pendant 23 jours dans la Bande de Gaza, la résolution abrogée en 1991 devrait être de nouveau présentée.
En définitive, le monde est face à un défi que nous pensions loin derrière nous après la réalisation de la libération et de l’indépendance nationale, il s’agit du retour du colonialisme, même s’il prend de nouvelles formes, dont celle du sionisme avec pour conséquence le retour à la ségrégation et à la discrimination raciale sous toutes ses formes. Nous sommes encore loin de la «reconnaissance de la dignité des peuples et de leur droit à l’autodétermination ».
Dans un souci de solidarité et pour le respect de tous les droits humains pour l ensemble des peuples, la société civile, par une mobilisation forte, doit imposer à la communauté internationale son désir du vivre ensemble, de paix et de sécurité pour l’ensemble du monde.
Genève, le 22 avril 2009