1. Par sa résolution 2/9 du 21 juin 1946, le Conseil économique et social (ECOSOC) donnait plein pouvoir à la Commission des Droits de l’Homme de créer des Sous-Commissions: l’une est née, il s’agit de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, l’autre n’est restée qu’un projet abandonné dans les archives des Nations Unies; il s’agit de la Commission sur la liberté de l’information et de la presse.
2. Ce n’est que 41ans plus tard que la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités fut saisie d’une étude1 effectuée par l’un des experts de cet organe. S’en suivirent de 1989 à 1992 divers rapports2, dont le rapport final3 recommandait notamment la nomination d’un rapporteur spécial. Par sa résolution 1993/45, la Commission des Droits de l’Homme décida de nommer, pour une période de trois ans, un rapporteur spécial sur la question de la promotion et de la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression.
3. Au vu du paragraphe 1, le CETIM estime que la Commission des Droits de l’Homme devrait accorder une attention toute particulière à la question et que par conséquent “le droit à la liberté d’opinion et d’expression” devrait faire l’objet d’un point séparé. Traiter ce thème comme sous-chapitre dans le cadre du point de la “question des droits de l’homme de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement” non seulement limite le traitement de cette question vu le nombre important d’autres thèmes examinés dans le cadre de ce point, mais aussi restreint l’analyse et l’étude de la liberté d’expression et d’opinion.
4. En effet, selon l’article 19 paragraphe 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, chaque individu a droit à “la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix”. De toute évidence ce droit est fondamental pour tout individu; par conséquent il ne se limite pas uniquement à des professionnels (écrivains, poètes, journalistes, éditeurs, rédacteurs en chef, marchands de journaux, politiciens, syndicalistes etc…) qui se trouveraient victimes d’intimidations, de menaces, d’arrestations et de détention, voire de disparition ou d’assassinat.
5. Selon les termes de l’article 19, le droit à la liberté d’expression et d’opinion touche chaque citoyen et citoyenne de la planète; par exemple dans un système politique, économique et social ouvert, l’ensemble de la population doit avoir accès aux connaissances, à l’information et à l’éducation; il faut donc:
“permettre et encourager l’accès de tous à toutes les informations et opinions sur les questions d’intérêts général grâce aux médias et autres moyens d’information”4
“créer des conditions nécessaires pour permettre aux partenaires sociaux de s’organiser et d’agir en garantissant la liberté d’expression et d’association et le droit de prendre part à une négociation collective et de défendre leurs intérêts, compte dûment tenu de la législation et des règlements nationaux”5
“créer des conditions similaires pour les associations professionnelles et les organisations de travailleurs indépendants”6
6. Etant donné que tout individu a le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontière, il semble important pour le CETIM de relever le rôle de la presse et des médias. En effet promouvoir une diffusion mieux équilibrée de l’information, sans entrave à la liberté d’expression, tout comme développer les moyens propres à renforcer les capacités de communication dans les pays en développement, afin d’accroître leur participation au processus de communication, devrait aussi être l’une des préoccupation majeures du traitement de la question du “droit à la liberté d’opinion et d’expression”.
7. En ce qui concerne la diffusion de l’information et son mode de communication, le CETIM est très préoccupé par l’absence d’esprit critique et par une tendance à la désinformation, plus précisément d’une information unilatérale et sélective. A titre d’exemple, relevons l’énorme concentration de la presse et de l’édition, dont les capitaux en jeu sont énormes: l’information est devenue marchandise. Finance, industrie et presse ont partie liées, les propriétaires sont les mêmes; par exemple, huit informations sur dix circulant dans le monde proviennent d’une des quatre agences de presse, toutes occidentales et toutes basées au Nord.
8. Les pays du Sud voient disparaître leurs agences internationales. Selon M. Roberto Savio, Directeur de “International Press Service”, agence qui compte 85 collaborateurs, 400 journalistes et de nombreux collaborateurs dans divers pays, “à l’exception de TELAM (Argentine), NOTIMEX (Mexique), VENPRESS (Venezuela) et PRENSA LATINA (Cuba), les agences de presse ont pratiquement disparu en Amérique latine”7; il en est de même en Afrique et Asie. Cette agence, basée a Rome, fondée en 1964 et présidée par l’ancien président costaricien et Prix Nobel de la paix, M. Oscar Arias, est également frappée par la crise de l’information, notamment en raison de ses liens avec des agences et des journaux eux-mêmes marginalisés.
9. Au vu des paragraphes 5, 6, 7 et 8, le CETIM rappelle le jeu des trois cercles concentriques énoncés dans le rapport final de M. Louis Joinet et de M. Danilo Türk: “Le premier cercle pourrait être celui des droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion, puis viendrait la liberté de réunion, d’association et de manifestation pacifique, enfin, le droit de prendre part à la direction des affaires publiques. Le rapport immédiat entre ces droits et le droit à la liberté d’expression est évident, dans toutes les situations concrètes. Tous les autres droits civils et politiques sont normalement liés de façon indirecte au droit à la liberté d’expression; il en est de même des droits économiques, sociaux et culturels, et du droit des peuples à l’autodétermination”.
10. Se référant au paragraphe 9, où il est clairement précisé que le droit à la liberté d’opinion et d’expression ne doit pas être considéré isolément, le CETIM demande à la Commission Droits de l’Homme d’étendre le champ d’application et de protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et de créer un point spécifique à cette question dans le cadre de l’agenda de ces travaux. Il demande en outre que dans l’abord de cette question, les aspects économiques soient également pris en considération; autrement dit que la liberté d’expression ne soit pas uniquement examinée sous son aspect formel, mais également sous son aspect réel.
11. En ce qui concerne le mandat du Rapporteur spécial, le CETIM se félicite que M. Bai Hussain ait donné quelques informations relatives, par exemple, à la liberté d’expression sur le lieu de travail, à la presse et aux média. Cependant vu l’ampleur et la complexité de la question du droit à la liberté d’opinion et d’expression, le CETIM souhaite que le mandat du Rapporteur spécial soit élargi et qu’il approfondisse, en particulier, le paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte international sur les droits civils et politiques.