Monsieur le Président,
De la promotion et de la protection de tous les droits de l’homme découle la question de la lutte contre l’impunité. [Rappelons que l’impunité, c’est l’absence de sanction à l’encontre d’auteurs d’une infraction établie qui ne peuvent invoquer aucun motif légal les exonérant de leur responsabilité.] L’impunité est une violation du droit à la justice, du droit à la vérité, du droit à la mémoire et du droit à une réparation.
Donnant suite à la résolution 1999/58, le Centre Europe-Tiers Monde (CETIM) et l’Association Américaine de Juristes (AAJ) ont apporté leur contribution reflétée dans le rapport du Secrétaire général sur la question de l’impunité des auteurs de violations des droits économiques, sociaux et culturels (E/CN.4/2000/91). II est toutefois regrettable que celle-ci ait été considérablement résumée et par conséquent ne reflète pas dans son entièreté l’ensemble de nos réflexions sur la question.
Lutter contre l’impunité nécessite d’une part, de dénoncer les pratiques économiques internationales actuelles, source de violations des droits économiques, sociaux et culturels, [comme notamment la dette extérieure des pays du Sud, les programmes d’ajustement structurel, la pratique de l’embargo, la corruption, les fraudes fiscales et douanières et autres infractions économiques] et d’autre part, de démontrer comment ces pratiques affectent la jouissance des ces droits et donc de proposer des mesures préventives aussi bien que coercitives pour résoudre à ce niveau la question de l’impunité des auteurs des violations de ces droits.
Les droits économiques, sociaux et culturels, tels qu’énumérés dans le Pacte international y relatifs, [à savoir par exemple le droit au travail, le droit à l’alimentation, le droit au logement, le droit à la santé, le droit à l’éducation,] ne sont pas des droits dissociables. Ils forment un tout et ce tout ne saurait se résumer à la somme de ses parties. En effet, de façon sous-jacente les droits économiques, sociaux et culturels comprennent des notions aussi impondérables qu’essentielles comme celles de liberté et de dignité par la suppression de la crainte et de la misère, ce qui implique que les sociétés humaines puissent maîtriser leur avenir. Quant aux moyens et aux modalités de mise en oeuvre de ces droits, comme la coopération internationale, l’engagement des Etats, l’utilisation des ressources disponibles, tels que prévus par le Pacte, ils posent le problème d’une appréciation complexe des responsabilités en cas de leurs violations.
En effet, comment sanctionner la mauvaise utilisation des ressources, l’échec de plans économiques et techniques, le manque de volonté d’une coopération internationale, ainsi que les pratiques fautives des auteurs des violations des droits économiques, sociaux et culturels? Comment sanctionner les violations de ces droits commises par les nouveaux acteurs de la scène internationales, tels que, par exemple, les institutions financières internationales, les sociétés transnationales ? Cette complexité du problème ne devrait néanmoins pas nous décourager, ni freiner notre volonté de nous donner des moyens et instruments pour agir.
Selon le CETIM, l’un des premiers pas significatifs serait une réforme des institutions financières internationales qui devrait aller dans le sens d’une démocratisation de la Banque Mondiale et du FMI, en prenant comme point de référence centrale les revendications et les exigences des mouvements sociaux qui luttent sur le terrain pour le respect des droits économiques, sociaux et culturels.
[Quant à la CNUCED, il parait de la plus grande importance qu’elle ne s’écarte pas des objectifs qui ont présidé à sa création, à savoir l’aide à l’établissement d’un Nouvel ordre économique international, le développement humain, durable et autocentré et que par conséquent, elle se garde de glisser vers le rôle de héraut de la mondialisation ultralibérale et de cheval de Troie des sociétés transnationales dans les pays en développement. A ce sujet, soulignons que les mécanismes de contrôle et de suivi de l’application de la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale, adoptée par l’OIT en 1977, devraient être réactivés au plus vite.]
En ce qui concerne la question de la sanction des violations des droits économiques, sociaux et culturels, le CETIM encourage la promotion de la “Déclaration sur les principes fondamentaux de justice pour les victimes de délits et abus de pouvoir“, en particulier la section B et les articles 18 et 21, déclaration qui a été adoptée par l’Assemblée générale le 29 novembre 1985. En effet, cette Déclaration stipule que les violations massives des droits économiques, sociaux et culturels ainsi que l’utilisation abusive du pouvoir économique et des mécanismes financiers internationaux afin d’obtenir des concessions, des avantages ou des bénéfices disproportionnés entraînant des graves préjudices pour des groupes ou des collectivités constituent des crimes internationaux. Par ailleurs, et parallèlement, il serait important d’explorer les possibilités d’inclure dans les compétences du Tribunal pénal international les violations des droits économiques, sociaux et culturels.
Au vu de ce qui précède et outre les autres propositions exprimées dans une déclaration [conjointe du CETIM et de l’AAJ] en 1997 sur des mesures à prendre au niveau international pour lutter contre l’impunité [des droits économiques, sociaux et culturels (CE E/CN.4/Sub.2/1997/NGO/16),] le CETIM appuie la proposition du Canada, d’envisager -lors de la 57eme session de la Commission des droits de l’homme-, la nomination d’un expert indépendant, à la condition sine qua none que le mandat de ce dernier traite de l’ensemble des violations découlant du phénomène de l’impunité.