COMMUNIQUE DE PRESSE
Genève – Buenos Aires, le 2 octobre 2024 – Dans le cadre de la 57e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le CETIM et le Centre d’études légales et sociales (CELS) ont dénoncé la grave situation des droits de l’homme en Argentine lors du débat sur les situations urgentes nécessitant l’attention de ce Conseil.
Les deux organisations ont alerté sur la profonde crise alimentaire que traverse le pays, provoquée par les politiques d’ajustement du nouveau gouvernement et ultralibéral de Javier Milei. Elles ont également signalé les graves restrictions de l’espace civique, qui se manifestent par des attaques sur les réseaux sociaux contre toute dissidence, par l’avancée contre le droit à la protestation et par la criminalisation des mouvements sociaux et des personnes qui manifestent.
Dès son arrivée au pouvoir, Javier Milei a décidé de cesser d’envoyer des ressources et des aliments aux cantines communautaires de tout le pays, où des centaines de milliers de personnes vulnérables, principalement des enfants, se nourrissaient quotidiennement. En mai 2024, il a été révélé que le ministère du Capital humain avait stocké 5 000 tonnes d’aliments non distribués depuis décembre. L’ajustement et l’interruption de la distribution de ressources à ces cantines ont généré une profonde crise alimentaire. 20,6 % des foyers présentent des signes d’insécurité alimentaire, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas accès régulier à des aliments adéquats. En avril 2024, 52 % des foyers ont dû cesser d’acheter certains aliments (11 % de plus qu’en juin 2023). La huitième enquête réalisée par l’UNICEF sur la situation des enfants, des adolescent.es et des jeunes révèle une situation dramatique : 7,7 millions d’enfants consomment moins de viande et de produits laitiers, et au moins un million d’entre eux se couchent sans dîner ou sautent un repas quotidien.
La pauvreté a augmenté de 44 à 52 % en un an en Argentine. L’inflation annuelle enregistrée en juillet a marqué une augmentation de 285 %, et l’inflation cumulée de janvier à août de cette année a été de 95 %. Ni la retraite minimale ni le salaire minimum ne suffisent à couvrir le panier de base, c’est-à-dire qu’ils ne permettent pas de vivre dignement et d’éviter la pauvreté. Le pouvoir d’achat des salaires a chuté de 27,3 % depuis novembre. Toute cette situation affecte particulièrement les droits économiques, sociaux et culturels des classes populaires, des personnes et des communautés déjà vulnérabilisées : les travailleur.euses, les communautés rurales et paysannes, les foyers des quartiers populaires, en particulier les femmes, les enfants et les personnes âgées.
Parallèlement à la détérioration des conditions de vie, le droit à la protestation en tant que mécanisme de revendication est restreint. Le gouvernement national a approuvé un protocole stipulant que toute manifestation publique impliquant des occupations de rues ou de routes constitue un délit flagrant, et a autorisé la police à réprimer, évacuer et arrêter les manifestant.es sans ordre judiciaire. Ce protocole a été critiqué par les procédures spéciales des Nations unies et le gouvernement a ignoré leurs recommandations.
Depuis l’entrée en vigueur de cette norme, au moins 93 personnes ont été arbitrairement arrêtées dans tout le pays. Il y a également eu plusieurs arrestations arbitraires de personnes sans-abri, ce qui représente une criminalisation de la population en situation de vulnérabilité extrême. Dans certains cas, les procès-verbaux de la police ne montraient aucun signe que les personnes arrêtées aient commis des délits, et dans d’autres, les accusations initiales graves n’ont pas pu être maintenues faute de preuves.
Au vu de ce qui précède, un rapport complet sur la situation d’urgence alimentaire et les politiques du gouvernement sera présenté, en collaboration avec d’autres organisations et en particulier des organisations paysannes du pays, aux mécanismes onusiens afin qu’ils interviennent auprès du gouvernement argentin pour que ce dernier respecte ses engagements en matière de droits humains.
Lire la déclaration en espagnol
Personne de contact:
Raffaele Morgantini, Représentant du CETIM à l’ONU, raffaele@cetim.ch, +41796606514