À l’aube du troisième millénaire, 854 millions1 de personnes sont victimes de la faim et de la malnutrition. Toutes les cinq secondes un enfant de moins de 10 ans meurt de maladies liées à la faim et à la malnutrition, soit près de 18’000 enfants par jour…on serait tenté de demander une minute de silence, mais le temps nous est compté.
Mr. Ziegler affirme que «Dans un monde qui déborde de richesses, la faim n’est pas une fatalité. C’est une violation des droits de l’homme.» (A/HRC/7/5 – § 4.).
En réalité, Monsieur le Président,
Il s’agit là, sans nul doute, du droit fondamental de l’être humain qui subit les violations les plus graves, les plus vastes, les plus systématiques et les plus persistantes.
Il n’y a pas, de nos jours, une mouvance terroriste ou un régime totalitaire, il n’y a pas un conflit ou une guerre, qui causent autant de victimes.
La protection et la promotion du droit à l’alimentation2, qui comprend le libre accès de chacun à l’eau potable et aux moyens de production alimentaires (eau, terre, semences, crédits, formation, etc.) ne tiennent fondamentalement qu’à la volonté politique des Etats. La Conférence de Vienne nous le rappelle sans ambiguïté à son paragraphe premier : les Etats sont in primis responsables de la promotion et de la protection des droits de l’homme et il appartient aux Etats de remplir les obligations du droit international (A/CONF.157/23), dussent-ils pour ce faire s’affronter à de puissantes sociétés transnationales ou dénoncer des accords bi-ou multilatéraux iniques.
Monsieur le Président,
En juin 1945, les peuples des Nations Unies se sont dit résolus à proclamer leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie et à ces fins à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples. À son article premier, les peuples des Nations Unies se sont fixés comme but de réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme.
Soixante ans plus tard, les théories économiques dominantes privilégient la prospérité d’entités individuelles au détriment de l’épanouissement collectif, nombre de gouvernements semblent se préoccuper d’avantage des intérêts particuliers des personnes morales plutôt que du bien être des personnes physiques (la population entière). D’aucuns affirment que ce n’est pas dans cette enceinte qu’il faudrait se préoccuper des questions débattues au sein d’autres organisations.
Monsieur le Président,
C’est là où réside la véritable hypocrisie et M. Ziegler a raison de souligner l’incohérence du système des Nations Unies et celle des Etats.
C’est là où réside aussi l’absurdité d’un système économique qui privilégie la concentration de la propriété des terres aux mains d’une petite minorité – avec des violences extrêmes qu’on observe au Brésil, en Colombie et en Inde par exemple – et de ce fait condamne pratiquement à mort la paysannerie mondiale qui constitue encore la moitié de l’humanité.
Plutôt que de faire porter à nos enfants la mémoire d’un nombre limité de morts (à un moment précis de l’histoire), nous préférons les éduquer au partage et à la solidarité avec ceux qui, aujourd’hui, risquent de mourir.
Nous mettons dès aujourd’hui sur la table la proposition d’intégrer, au cours du Segment de Haut Niveau de la session de mars 2009 de ce Conseil, le sujet portant sur « Les meilleurs pratiques pour la réalisation durable du droit à l’alimentation ».
Nous invitons également le Conseil à faire siennes les conclusions et recommandations présentées par le Rapporteur spécial.
Avant de conclure, Monsieur le Président,
Permettez-nous de rendre un vibrant hommage à M. Ziegler qui, en tant que premier Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, a su relever un défi majeur avec la rectitude et le courage que nous lui connaissons. Merci Monsieur Ziegler.
Merci Monsieur le Président.
12 mars 2008