Non au projet de résolution étatsunien sur l'Irak!


Vous trouverez ci-après une argumentation à propos du projet anglo-étasunien présenté au Conseil de sécurité concernant l’Irak, à l’occasion du « transfert de la souveraineté » par les forces de l’occupation au gouvernement provisoire irakien. Nous lançons un appel demandant à ce que l’Assemblée générale de l’ONU se saisisse de la question et non le Conseil de sécurité, vu l’implication directe de deux de ses membres permanents dans l’occupation de l’Irak.

Si vous êtes d’accord avec ce texte, nous vous prions de le signer et de l’envoyer aux gouvernements, aux missions diplomatiques de leurs pays respectifs auprès des Nations Unies à New-York et aux médias. N’hésitez pas à le transmettre à vos connaissances et à votre réseau pour qu’ils et elles en fassent de même.

AAJ/CETIM


ARGUMENTATION
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DOIT REFUSER LE PROJET ANGLO-ETASUNIEN ET PORTER LA QUESTION DE L’IRAK DEVANT L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’ONU

I. Le projet anglo-étasunien propose d’accorder une supposée souveraineté à l’Irak. En réalité, il ne fait que perpétuer le statut néocolonial existant et l’occupation militaire, avalisés par les résolutions 1483 et 1511 du Conseil de sécurité.

En effet :
1) Les membres du gouvernement provisoire auxquels « la souveraineté sera transférée » doivent compter avant tout sur l’approbation du gouverneur étasunien de l’Irak, M. Paul Bremer. Interrogé le 24 mai dernier sur cette question, l’envoyé du Secrétaire général de l’ONU, M. Brahimi, a déclaré à la télévision qu’il était nécessaire d’obtenir « un consensus entre le Conseil du gouvernement et l’administration de M. Bremer », en ajoutant qu’« il ne faut pas oublier que l’Irak est un pays occupé, que celui qui dirige l’Irak pour le moment est M. Bremer et que son avis est essentiel dans cette question ».
1. Le processus de désignation du Premier ministre et du Président du « gouvernement provisoire » -dans lequel l’envoyé du Secrétaire général remplit seulement un rôle de figurant- prouve, une fois de plus, que le gouvernement des Etats-Unis utilise le Secrétaire général et le Conseil de sécurité comme des couvertures à leurs propres actions et décisions.
2) Le projet anglo-étasunien (article 6) confirme l’autorisation de poursuivre l’occupation militaire illégale telle que conférée par la résolution 1511 du Conseil de sécurité. Il réitère donc la légitimation de l’agression.
3) Le gouvernement provisoire devra en fait s’accommoder d’une législation, constituée par Coalition Provisional Authority Orders, déjà dictée par l’occupant. Le Coalition Order 39 modifie en profondeur le système économique irakien, réglemente le commerce extérieur, les investissements étrangers (enlevant toutes les restrictions pour l’investisseur étranger) et ouvre la porte à la privatisation des entreprises d’Etat. Le Coalition Order 37 exempte d’impôts les forces d’occupation et l’Autorité de la coalition, tandis que le Coalition Order 17 accorde l’immunité de juridiction aux occupants et à ses contractants, etc. Le Coalition Order 39, selon lequel l’occupant exerce des actes de souveraineté comme ceux qui modifient les lois fondamentales et privatisent les entreprises, constitue une flagrante violation du droit international en vigueur dont la quatrième convention de Genève et la Convention de la Haye de 1907. En effet, cette dernière n’autorise pas le transfert de souveraineté de l’Etat occupant à l’Etat occupé. L’occupation est un fait, mais pas une source de droits.
4) La prétendue « souveraineté » s’exercera avec une armée d’occupation de plus de 130 000 hommes, qui stationnera en Irak pendant au moins un an, voire probablement pour un temps indéfini. La « souveraineté » sera aussi chapeautée par un « ambassadeur » étasunien, John Negroponte (qui jouit de funestes antécédents en matière d’interventionnisme et de violation des droits humains en Amérique centrale), épaulé par une « ambassade » composée de 2 000 personnes. Cette dernière sera le véritable gouvernement de l’Irak.
5) Les occupants continueront à bénéficier de l’immunité de juridiction. En plus du Coalition Order 17, les occupants sont en train de négocier (en réalité ils sont en train d’imposer) que cette immunité soit toujours en vigueur sous l’administration du gouvernement provisoire. Les Etats-Unis essaient également d’obtenir du Conseil de sécurité qu’il continue à assurer l’impunité de leurs ressortissants devant la Cour pénale internationale.

De ce fait, le gouvernement provisoire exercera sa souveraineté sous l’œil vigilant de John Negroponte appuyé par ses 2 000 fonctionnaires et par une armée d’occupation de 130.000 hommes. Ces derniers pourront continuer, en toute impunité, à violer les Conventions de Genève comme ils l’ont fait jusqu’à présent (non seulement en torturant massivement et systématiquement dans les prisons, mais aussi en tuant des civils sans distinction aucune).
Dans son discours du 24 mai, qui ne laisse planer aucun doute sur le fait que les Etats-Unis vont continuer à traiter l’Irak comme une colonie avec ou sans résolution du Conseil de sécurité, le Président Bush a annoncé qu’il proposait de détruire la prison d’Abou Ghraïb. Cela permet aussi d’éliminer des preuves pour un éventuel procès indépendant. Le Secrétaire d’Etat à la défense Rumsfeld a interdit les caméras et appareils photographiques dans les prisons, et ce, afin d’éviter que l’on puisse enregistrer de nouveaux actes de torture.

Le conseil de gouvernement irakien installé par les Etats-Unis a même critiqué, dans un communiqué du 25 mai, le projet anglo-étasunien en signalant que le futur gouvernement doit avoir « le contrôle total sur les activités de ses forces armées et de sécurité, ses ressources pétrolières et sa politique extérieure ».

II. Le Conseil de sécurité n’a ni la légitimité juridique ni la légitimité morale pour adopter une résolution sur l’Irak, et ce, pour diverses raisons :
1) Le Conseil de sécurité a voté les résolutions 1422 et 1487 qui accordent illégalement l’immunité aux occupants de nationalité étasunienne devant la Cour pénale internationale, et les résolutions 1483 et 1511 qui avalisent l’agression, l’occupation et le pillage du patrimoine irakien. Le Conseil s’est donc compromis dans de tels crimes internationaux, dont les auteurs sont aussi coupables de tortures et d’assassinats ;
2) Le Conseil de sécurité s’apprête à discuter un projet présenté par les deux Etats responsables de ces crimes. Or ces derniers ne devraient même pas participer au vote si l’on applique par analogie l’article 27 de la Charte des Nations Unies dont le dernier paragraphe précise qu’« une partie à un différend s’abstient de voter ».
3) De plus, il est inadmissible que la question de l’Irak soit traitée par le Conseil de sécurité, organisme où les deux Etats, qui sont les auteurs des crimes précédemment cités contre l’Etat et le peuple irakiens, disposent du droit de veto.

III. L’unique solution conforme au droit international serait que l’Assemblée générale des Nations Unies s’occupe de la question de l’Irak.

1) L’Assemblée générale peut « discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont elle aura été saisie par l’un quelconque des Membres des Nations Unies… » (article 11, paragraphe 2 et articles 34 et 35 de la Charte) ;
2) « L’Assemblée générale peut recommander les mesures propres à assurer l’ajustement pacifique de toute situation… » (article 14) ;
3) Le 3 novembre 1950, l’Assemblée générale a adopté la résolution 377 (V) « Union pour le maintien de la paix », plus connue sous le nom de « résolution Dean Acheson ». Cette résolution précise que, lorsque certaines conditions sont réunies (impuissance du Conseil de sécurité, décision de réunir l’Assemblée générale, etc.), l’Assemblée générale « examinera immédiatement la question afin de faire aux membres les recommandations appropriées sur les mesures collectives à adopter… »
L’Assemblée générale a utilisé le « procédé Acheson » à plusieurs occasions et à différentes époques : interventions militaires en Egypte (1956), en Hongrie (1956), au Liban (1958), lors du conflit indo-pakistanais (1971), en Jordanie (1980), en Afghanistan (1980), en Namibie (1981), Bosnie-Herzégovine (1992), etc. Dans le cas de l’Egypte (agression d’Israël et invasion anglo-française), l’Assemblée générale a mandaté une force d’interposition de 6000 hommes, la FENU, qui est restée sur le terrain pendant plusieurs années.

Suite au vote affirmatif de neuf de ses membres, le Conseil de sécurité peut convoquer l’Assemblée générale pour la tenue d’une session extraordinaire (articles 20 et 27.2 de la Charte des Nations Unies).

La moitié des Etats Membres des Nations Unies peuvent aussi demander la convocation urgente d’une session extraordinaire de l’Assemblée générale (article 20 de la Charte).
Il est évident que la solution du problème irakien doit commencer par le retrait immédiat des occupants. Les Coalitions Provisional Authority Orders doivent être rendus automatiquement caduques. Enfin l’Assemblée générale, d’un commun accord avec les groupes les plus représentatifs du peuple irakien, pourrait envoyer une force internationale de sécurité composée d’Etats qui se sont, jusqu’à présent, tenus éloignés du conflit.

Voir dossier CETIM sur l'Irak
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