Non à l'impunité des ressortissants étatsuniens!


Les Etats-Unis ont demandé au Conseil de sécurité le renouvellement de la résolution 1487 de 2003 qui ordonne à la Cour pénale internationale de s'abstenir d'entreprendre des enquêtes ou des jugements contre les ressortissants des États non membres du Statut de Rome (lisez les Etats-Unis).

Pour barrer la route à cette nouvelle manoeuvre des Etats-Unis afin de maintenir l'impunité des criminels de guerre agissant sous leur bannière, nous vous demandons de signer, si vous êtes d'accord, le texte suivant, et de l'envoyer aux Etats membres du Conseil de sécurité.
Par ailleurs, nous vous encourageons à le faire parvenir à vos contacts pour qu'ils fassent de même, et ce afin de lancer une campagne de signatures en chaîne.

CETIM/AAJ

A signaler que les gouvernements du Canada, d'Irlande, de la Jordanie, du Liechtenstein et de Suisse ont pris l'heureuse initiative de demander un débat public au Conseil de Sécurité sur la question du renouvellement de la résolution 1487, signalant que : « La proposition de renouvellement de cette résolution a des incidences directes sur les Etats Membres, notamment ceux qui sont parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en ce qui concerne les opérations internationales de maintien de la paix, des questions fondamentales de droit international et le rôle du Conseil dans le respect de la loi et la responsabilisation ».


ARGUMENTAIRE
LES MEMBRES DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DOIVENT REFUSER LE RENOUVELLEMENT DE L’IMPUNITÉ POUR LES RESSORTISSANTS DES ÉTATS-UNIS

Faisant preuve d’un cynisme inébranlable, malgré le cumul de preuves concernant des violations réitérées et systématiques des conventions de Genève et la responsabilité avérée de ses plus hautes autorités civiles et militaires quant à ces violations, le gouvernement des Etats-Unis est en train de préparer le renouvellement, par le Conseil de sécurité, de l’immunité dont jouissent ses ressortissants face à la Cour pénale internationale.

I. En juin 2003, le Conseil de sécurité a adopté par 12 voix sur 15 la résolution 1487 et renouvelé de la sorte, en invoquant de manière abusive comme à bien d’autres occasions le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, la résolution 1422 adoptée en juillet 2002. Cette dernière ordonnait à la Cour pénale internationale de s’abstenir pendant 12 mois d’entamer des enquêtes et des jugements contre les ressortissants d’Etats qui ne faisaient pas partie du Traité de Rome (Statut de la Cour pénale internationale) pour des faits ou des omissions liés à une opération gérée ou autorisée par les Nations Unies. Dans l’une et l’autre de ces résolutions, le Conseil de sécurité avait exprimé d’ailleurs son intention de renouveler cette décision chaque premier juillet, tant que cela sera nécessaire.

II. La résolution 1487 du Conseil de sécurité a invoqué l’article 16 du Statut de la Cour pénale internationale. Le texte espagnol de cet article précise : «En caso de que el Consejo de Seguridad…pida a la Corte que suspenda por un plazo de doce meses la investigación o el enjuiciamiento que haya iniciado (souligné par nous), la Corte procederá a esa suspensión… »

Conformément à ce texte, il est évident que le Conseil de sécurité peut uniquement demander à la Cour de suspendre une enquête déjà commencée mais que, en revanche, il ne peut en aucun cas lui demander de s’abstenir de manière générale d’entamer une enquête contre des ressortissants d’Etats qui ne sont pas parties au Statut de Rome.

Les textes anglais et français diffèrent cependant de la version espagnole. Ils déclarent respectivement : « No investigation or presecution may be commenced or proceeded… » et « Aucune enquête ni aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées… ». Le Conseil de sécurité a interprété ces textes à sens unique : il s’est autorisé à faire ce que le texte espagnol ne lui permet évidemment pas ! Etant donné que les trois textes en espagnol, français, anglais, ainsi qu’en chinois et russe, sont authentiques et font foi, sa manière d’interpréter l’article 16 prête pour le moins à discussion.

Comme l’ont signalé beaucoup de juristes, l’intervention du Conseil de sécurité, telle qu’établie dans l’article 16, confère certes malheureusement une autonomie limitée à la Cour. Cependant, quelle que soit la langue utilisée comme version officielle, on ne peut interpréter cet article comme accordant au Conseil de sécurité la faculté de paralyser totalement et pour un an renouvelable l’activité de la Cour. Faire ainsi reviendrait à faire disparaître toute autonomie de la Cour. On ne peut pas davantage l’interpréter comme autorisant le Conseil de sécurité à établir par anticipation un privilège général d’immunité en faveur des ressortissants des Etats qui ne seraient pas parties au Statut tout en participant à des opérations établies ou autorisées par les Nations Unies.

Même si l’on ne suit pas à la lettre le texte en espagnol - qui requiert qu’une enquête soit entamée pour que le Conseil de sécurité puisse exercer sa faculté de la suspendre ( ce qui est plus logique et plus conforme aux principes généraux du droit) -, l’interprétation minimale raisonnable du texte de l’article 16 est que le Conseil de sécurité ne peut exercer la faculté que lui confère cet article que de cas en cas et non d’une manière générale et anticipée.

III. Sous la pression des Etats-Unis, le Conseil de sécurité et les Etats membres du Conseil de sécurité qui ont voté de telles résolutions ont violé plusieurs principes fondamentaux du droit et le Statut même de la Cour :
1) En établissant un privilège d’immunité anticipée et en faveur d’une quantité indéterminée et indéterminable de personnes, il a violé le principe d’égalité des personnes devant la loi ;
2) Dans son interprétation de l’article 16 du Statut suivant laquelle on peut ordonner d’une manière générale à la Cour pénale internationale qu’elle s’abstienne d’enquêter ou de poursuivre pendant un an renouvelable, le Conseil de sécurité a supprimé totalement l’autonomie déjà limitée de la Cour et a violé ainsi le principe d’indépendance de la magistrature ;
3) Le Conseil de sécurité n’a pas interprété l’article 16, mais il l’a violé. Ce faisant, il a violé le Traité de Rome en lui-même, et il en va de même pour les États membres du Conseil de sécurité qui sont parties dudit traité ;
4) Le Conseil de sécurité et en particulier les États membres du Conseil qui ont voté les résolutions 1422 et 1487 et qui sont parties au traité de Rome ont aussi violé la Convention de Vienne sur le droit des traités, dont l’article 18 précise qu’un État qui a signé un traité devra éviter des actes qui pourraient nuire à l’objet et à la finalité du traité.

IV. Pour toutes ces raisons, nous demandons que les Etats membres du Conseil de sécurité refusent, par un vote explicitement négatif, cette prétention cynique du gouvernement des Etats-Unis.

Le vote doit être explicitement négatif. En effet, l’abstention de la France, membre permanent, lors du vote de la résolution 1487 n’a pas empêché que cette dernière soit approuvée, alors que la Charte des Nations Unies (art. 27.3) exige le vote affirmatif des cinq membres permanents pour qu’il en soit ainsi. Cela est le résultat d’une vieille pratique du Conseil de sécurité, qui a modifié de facto l’article 27 afin de permettre à un membre permanent de manifester son désaccord avec une résolution sans empêcher son adoption, alors qu’il serait en mesure de le faire.

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