Les violations des droits humains du peuple kurde en Turquie (2008)

11/11/2008

[Dans le cadre de sa séance du 21 mai 2012, le Comité de l’ECOSOC sur les ONG a pris acte du fait que la période de suspension de deux ans du statut consultatif du CETIM prendrait fin en juillet 2012. Lors de cette même séance, la Turquie (qui avait sollicité que cette sanction soit prononcée contre le CETIM) a déclaré qu’elle ne s’opposerait pas à la restitution au CETIM de son statut, tout en relevant le fait que le site internet du CETIM continuait à inclure les déclarations ou interventions litigieuses, qui selon la Turquie « violent la terminologie de l’ONU ». La Turquie a donc exigé que le CETIM prenne immédiatement les mesures nécessaires pour adapter le contenu de son site internet à la terminologie des Nations Unies. La Turquie a enfin annoncé qu’elle allait « suivre attentivement les activités du CETIM » et qu’elle se réservait le droit de solliciter à nouveau le retrait ou la suspension de son statut en cas de « nouvelles violations de la résolution 1996/31 ».

Au vu de ce qui précède, le CETIM tient à apporter expressément la précision suivante :
Dans toutes les déclarations ou interventions émanant ou souscrites par le CETIM portant sur les violations des droits humains dans ce pays, les termes :
1) « Kurdistan » ou « Kurdistan turc » (entité juridique reconnue en Irak et en Iran mais pas en Turquie) devront se lire « provinces kurdes de Turquie » ou « provinces du sud-est de la Turquie » et « Diyarbakir » devra se lire « chef-lieu » de ces provinces ;
2) « Guérilla kurde/Guérilleros » ou « Combattants kurdes » devront se lire « Forces armées non étatiques » ou « Groupes armés illégaux » (termes utilisés dans les documents et instruments internationaux).

Pour de plus amples informations, prière de se référer au dossier de défense du CETIM concernant la plainte de la Turquie à son encontre auprès du Comité des ONG de l’ONU en mai 2010.]

Monsieur le Président,
Les violations des droits humains du peuple kurde en Turquie requièrent l’attention du Conseil.

En effet, bien que les autorités turques aient ratifié presque tous les instruments internationaux en matières de droits humains, dont les deux Pactes internationaux (depuis l’an 2000), elles continuent de bafouer les droits les plus élémentaires du peuple kurde.

Violations de la liberté d’expression, de la liberté d’association, des droits culturels, destruction des villages kurdes, harcèlements, torture, assassinats politiques sont le lot quotidien du peuple kurde.

La liste des condamnations prononcées par la Cour européenne des droits de l’homme à l’égard de la Turquie pour diverses violations des droits humains est éloquente.

Dans son dernier Rapport annuel, l’Association des droits de l’homme de Turquie (IHD) dresse – une fois de plus – un bilan sombre1. En 2007, environ 200 personnes ont été tuées par la violence et/ou du fait de la négligence des forces de l’ordre turques et plus de 400 autres lors du conflit armé entre l’armée turque et la guérilla kurde.

687 personnes se sont plaintes d’avoir subi des actes de torture.

Divers tribunaux turcs ont entamé des centaines de procès contre plus de 2’000 personnes pour avoir usé de leur droit d’expression et d’opinion. D’autres procédures sont en cours pour l’interdiction de 13 partis politiques ; 105 locaux de partis politiques, syndicats et associations ont subi des descentes de police.

Le 3 mars 2008, M. Ridvan Kizgin, ex-Président de la section de Bingöl de l’IHD, a été incarcéré pour purger deux ans et demi de prison pour avoir mené une enquête sur l’assassinat de six paysans kurdes en 2003.

Le 5 mars dernier, M. Mehmet Deniz (51 ans) est décédé suite aux violences policières à Ercis (dans la province de Van) lors de la manifestation dans le cadre de la journée internationale de la femme2.

Les élus kurdes sont sans cesse harcelés par des lynchages médiatiques et des poursuites judiciaires. Chaque fait et geste des membres du Parti de la société démocratique (DTP), dont 20 députés kurdes au parlement d’Ankara et plus de 50 maires, fait l’objet d’une enquête judiciaire (y compris les récents discours prononcés lors des congrès de ce parti à Diyarbakir, à Siirt et à Ceyhan3). Ainsi, depuis sa création en 2005, plusieurs milliers de membres et dirigeants du DTP ont été arrêtés et poursuivis en justice.

Les maires kurdes appartenant à ce parti (DTP), non seulement ils ne reçoivent pas le soutien étatique auquel ils ont droit, mais ils sont souvent poursuivis en justice pour avoir parlé en kurde en public ou sont tout simplement démis de leur fonction. En juin 2007, M. Abdullah Demirbas, Maire de Sur à Diyarbakir, a été démis de ses fonctions pour avoir voulu offrir des services publics multilingues, dont le kurde, qui est parlé par 72% des habitants de sa ville.

Monsieur le Président,
La répression des autorités turques ne se limite pas aux Kurdes de Turquie mais elle touche également les Kurdes d’Irak. Au mépris du droit international, l’armée turque, après avoir pilonné avec son aviation des vallées entières durant trois mois, est intervenue avec dix milles soldats au Kurdistan irakien entre le 21 et le 29 février dernier. Si cette intervention a été menée sous prétexte de pourchasser la guérilla kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la destruction des infrastructures civiles du Kurdistan irakien et les bombardements des localités civiles4 indiquent clairement l’objectif des autorités turques.

Monsieur le Président,
Ces dernières années, plusieurs détenteurs de mandats de procédures spéciales ont effectué des visites en Turquie et ont soumis des recommandations importantes5. Les gouvernements successifs de Turquie n’ont jamais donné suite à ces recommandations. Pire, les fonctionnaires, auteurs des violations des droits humains, jouissent de manière générale de l’impunité.

Monsieur le Président,
Il est urgent que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies porte son attention sur la situation du peuple kurde et qu’il rappelle au gouvernement turc ses obligations en matière de droits humains.

14 mars 2008

Catégories Cas Déclarations Droits économiques, sociaux et culturels DROITS HUMAINS
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