COMMUNIQUE DE PRESSE
Genève, le 18 mars 2025 – La Fédération Nationale du Secteur Agricole (FNSA, Maroc) et le CETIM ont déposé une saisine auprès des mécanismes internationaux de protection des droits humains pour dénoncer les conséquences de la loi 97-15. Cette loi, adoptée par le Parlement marocain le 5 février 2025, impose de lourdes restrictions sur le droit de grève, particulièrement dans le secteur agricole où les paysan.nes et les travailleurs.euses sont déjà confrontés à une précarité profonde.
Le droit de grève est un droit fondamental reconnu dans les normes de droit international comme un moyen d’action essentiel dans la défense des droits des classes travailleuses. Au Maroc, ce droit est garanti constitutionnellement depuis 1962 et a été réaffirmé dans la Constitution de 2011 (article 29). Toutefois, avec l’introduction de la loi 97-15, ce droit a été sévèrement limité, ce qui rend difficile, voire impossible, pour les travailleurs.euses agricoles et les paysan.nes de se mobiliser et d’exiger des conditions de travail plus justes. Cette législation crée des barrières administratives insurmontables et des sanctions pénales disproportionnées, privant de fait un grand nombre de personnes de leur droit à l’action collective.
Au Maroc, plus de 80% des travailleurs.euses des zones rurales sont employés dans des conditions informelles, sans contrats de travail ni protections sociales. Le salaire minimum agricole (SMAG) est inférieur de 30% à celui du secteur industriel (SMIG), ce qui renforce l’inégalité entre les travailleurs ruraux et ceux d’autres secteurs. Dans ce contexte, la grève reste souvent le seul moyen de dénoncer des conditions de vie et de travail souvent insoutenables. La loi 97-15, cependant, empêche toute grève spontanée et impose des procédures complexes qui excluent une majorité de la population active rurale de toute mobilisation.
La loi susmentionnée va à l’encontre des principes et des dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes qui travaillent dans les zones rurales (UNDROP), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) ainsi que les Conventions internationales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), que le Maroc a signées. L’article 8 de l’UNDROP garantit aux travailleurs ruraux- le droit à la liberté de réunion et d’expression, ainsi que le droit de mener des actions collectives pour défendre leurs droits. Or, la loi 97-15, en imposant de telles restrictions, empêche ces derniers de se mobiliser et de protéger leurs droits.
L’impact de cette loi se fait particulièrement ressentir parmi les femmes rurales, déjà confrontées à des discriminations structurelles dans le secteur agricole. En effet, la loi 97-15 les prive d’un moyen essentiel pour améliorer leurs conditions de travail et défendre leurs droits, limitant ainsi leur accès aux ressources, à la propriété foncière ou à des protections sociales. Cette précarisation accentue leur vulnérabilité économique et renforce les inégalités dont elles sont déjà victimes.
Dans ce contexte, nous avons saisi et sollicité l’intervention des mécanismes de l’ONU afin de garantir la protection des droits des travailleurs.euses agricoles et des paysans.nes marocains. La plainte exhorte également le gouvernement marocain à réviser cette législation pour la rendre conforme à ses engagements internationaux en matière de droits humains, notamment l’UNDROP, le PIDESC et les conventions de l’OIT. Cela implique la mise en place de mécanismes de protection spécifiques pour les travailleurs.euses ruraux.ales du secteur informel, leur permettant d’exercer leur droit de grève sans crainte de représailles.
Contacts :
M. Badr Arich, Secrétaire général FNSA, badr.ourich@gmail.com
M. Raffaele Morgantini, Représentant du CETIM à l’ONU, raffaele@cetim.ch