Monsieur le Président,
Le Conseil est saisi d’un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté en avril dernier par son Groupe de travail ad hoc sur cette question conformément à son mandat.
Si nous nous réjouissons de l’avancement de ce processus qui devrait enfin mettre sur un pied d’égalité le traitement de tous les droits humains, nous sommes préoccupés par deux points en particulier.
Premièrement, au terme de la négociation, le droit à l’autodétermination a été sacrifié sur l’autel du consensus, comme il l’a été lors de la négociation de l’Ordre du jour de ce Conseil. Or, l’exclusion de ce droit qui fait partie des fondements même des Nations Unies est extrêmement grave (le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un droit positif et inaliénable1, inscrit à l’article premier des deux Pactes et à l’article premier de la Charte des Nations Unies). La communauté internationale entend-t-elle réviser la Charte des Nations Unies par d’autres moyens que ceux prévus à son Chapitre XVIII ?
Il ne s’agit pas là seulement de la protection des droits des peuples encore sous domination, mais de la souveraineté de tous les Etats. Même si formellement indépendants, leur souveraineté est souvent mise à mal surtout dans le contexte de la mondialisation. Il s’agit également d’un des droits élémentaires de tout citoyen qui se traduit, dans les sociétés démocratiques, par sa participation aux prises des décisions au niveau national.
Dans le contexte actuel où il n’existe pas de gouvernement mondial ni de démocratie mondiale directe, la souveraineté nationale reste la condition indispensable, même si pas suffisante, de l’exercice d’une démocratie réelle par les peuples et les citoyens.
Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, l’élaboration d’un protocole se rapportant au Pacte est un exercice de procédure qui devra permettre la saisine du Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Il ne s’agit donc pas d’ajouter de nouveaux droits au Pacte. En revanche, il ne faut pas non plus supprimer de facto des droits figurant dans le Pacte, ratifié à ce jour par 158 Etats, car cela constituerait un grand recul et serait incohérent et inconcevable.
Faut-il le rappeler, les droits économiques, sociaux et culturels, comme tous les droits humains, sont interdépendants. L’exclusion de l’un de ces droits mettra en péril la réalisation d’autres droits. C’est encore plus vrai dans le cas du droit à l’autodétermination, car le non respect de ce droit implique inévitablement la violation de tous les autres droits humains.
Monsieur le Président,
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes doit figurer dans le futur protocole. Il n’y a aucun argument valable pour qu’il n’y figure pas.
Le deuxième point de notre préoccupation concerne le paragraphe 4 de l’article 8 du projet de protocole. Selon cette disposition, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels devrait déterminer si une politique d’un Etat est « déraisonnable » pour conclure à une violation du Pacte. Or, la question n’est pas de savoir si une mesure est raisonnable ou déraisonnable, ce qui serait un jugement purement arbitraire ; il s’agit d’évaluer si les mesures prises par un Etat donné sont en adéquation avec les buts du Pacte, conformément à son article 2.1, selon lequel les Etats se sont engagés à adopter « tous les moyens appropriés » pour réaliser les droits économiques, sociaux et culturels.
En conclusion, nous rappelons que l’adoption de ce protocole est une occasion à ne pas manquer, d’une part, pour remettre sur un pied d’égalité tous les droits humains (économiques, sociaux, culturels, civils et politiques) et, d’autre part, pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner les violations constatées.
3 juin 2008