Monsieur le Président,
Nous ne sommes guère surpris par le contenu du rapport du Représentant spécial du Secrétaire général M. John Ruggie relatif aux droits de l’homme et sociétés transnationales (STN) et autres entreprises1 dans la mesure où le mandat qui lui a été confié n’est pas à la hauteur des enjeux posés.
En outre, le Représentant spécial affirme s’être appuyé sur « l’aide et les conseils des éminents juristes et des théoriciens » de trois pays (§ 5)2. Or, les experts en question sont issus d’un seul et même régime juridique et partagent avec lui une vision idéologique commune bien déterminée sur la mondialisation et le rôle des STN.
Cette démarche est inacceptable.
Il ne nous est malheureusement pas possible d’analyser et de critiquer en détail le contenu et les affirmations juridiques du rapport du Représentant spécial en deux minutes. C’est pourquoi, nous nous contenterons de faire la remarque suivante :
le Représentant spécial est contre un encadrement juridique contraignant, autrement dit un contrôle efficace externe, des activités des STN et fait l’éloge des initiatives volontaires telles que le Global Compact et les Principes directeurs de l’OCDE. Pourtant, de nombreuses études sérieuses, telles que menées par l’UNRISD et OECD Watch, démontrent que ce genre d’autorégulation ne sert qu’à redorer le blason des STN3. Or, les sociétés transnationales doivent répondre de leurs actes sur le plan civil et pénal et elles doivent -comme toute personne physique ou morale- respecter la loi et s’y soumettre. Ne pas prendre des mesures contraignantes à l’égard des STN, c’est capituler devant la puissance et nier le primat du politique qui est le fondement même de la démocratie.
Pour conclure Monsieur le Président,
Cela fait trois décennies que diverses instances onusiennes se sont penchées sur l’encadrement juridique des activités des STN, mais seules les Normes adoptées en 2003 par la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme4, malgré leurs lacunes, répondent à cette préoccupation.
C’est pourquoi, il est urgent que le Conseil des droits de l’homme mette à son ordre du jour l’examen des Normes en question, en vue de leur adoption, tout en prévoyant un mécanisme de suivi. A ce propos, il est tout à fait envisageable de confier au futur organe d’experts la tâche de la coordination des activités touchant aux STN au sein du système des Nations Unies, comme l’a recommandé la Sous-Commission lors de sa dernière session5.
Si le Conseil continue à suivre le chemin dessiné par l’ancienne Commission des droits de l’homme, cela équivaudra au maintien de la juridiction de la Banque mondiale (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, CIRDI) et de l’Organisation mondiale du commerce (Organe de règlement des différends, ORD) sur cette question. Or pour ces organismes, les intérêts privés priment sur les droits humains qui ne sont d’ailleurs pas pris en considération6.