Monsieur le Président,
Dans le rapport sur la mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l’homme, présenté l’an dernier, les deux membres de la Sous-Commission critiquaient la mondialisation en ces termes: « la mondialisation n’est pas un événement naturel ou un processus irrémédiable et irréversible. Elle est le fruit de certaines idéologies, intérêts et institutions et son existence dépend bel et bien des structures mises en place par la communauté internationale. » (cf. E/CN.4/Sub.2/2001/10).
Imposé par le triumvirat (Banque mondiale, FMI et l’OMC) -qui sont le fer de lance du système économique néolibérale-, la libéralisation des échanges et les privatisations de tous les secteurs de l’activité humaine, ont des conséquences tragiques sur la majorité des populations de la planète: malnutrition frappe plus de 800 millions de personnes dans le monde, dégradation des systèmes scolaires, chômage de masse, augmentation des travaux précaires, destructuration des sociétés notamment par le déplacement forcé des populations, exode rural et conflits armés, généralisation de la corruption, tant au Sud qu’au Nord, prolifération des mafias … et la liste est loin d’être complète.
Malgré des voix de plus en plus nombreuses qui s’élèvent contre cette mondialisation marchande, le couple FMI-Banque mondiale impose, comme préalable à l’accord des crédits aux pays nécessiteux, des privatisations tout azimut, y compris celles des services publics.
Dans ce contexte, les négociations lancées récemment au sein de l’OMC sur l’Accord général du commerce des services (AGCS), qui visent la privatisation des services publics, tels que l’éducation, la santé, l’eau, etc. sont très inquiétantes. Plusieurs rapporteurs de la Commission des droits de l’homme se sont prononcés fermement cette année contre la privatisation des services publics.
Il faut souligner que la libéralisation d’autres secteurs a eu des conséquences catastrophiques sur la plupart des régions du monde, en particulier sur les pays du Sud. D’ailleurs, cette situation est reconnue désormais par une partie de ceux qui ont été les architectes des politiques néolibérales. A titre d’exemple, l’ancien vice-président de la Banque mondiale, l’économiste américain M. Joseph Stiglitz déclarait à l’occasion de la préparation du Sommet de l’OMC à Doha (novembre 2001) que : « la libéralisation commerciale a contribué à une dégradation des économies de beaucoup de pays en développement, car elle les a exposées à l’incertitude des marchés internationaux. Il est donc faux de dire que les pays en développement profitent de l’intégration économique. Il y a un besoin urgent de corriger les inégalités créées par les cycles de négociations précédents. La libéralisation commerciale a été programmée par les pays occidentaux pour les pays occidentaux ; elle a en fait été organisée pour les pays riches. Ils ont obtenu ainsi des gains disproportionnés. Et les régions les plus pauvres du monde, comme l’Afrique, vont aujourd’hui plus mal à cause des effets du commerce international. »
Il est regrettable que les deux ex-membres de la Sous-Commission n’aient pas pu présenter cette année la suite de leur étude sur la mondialisation. Nous espérons toutefois qu’ils le présenteront l’année prochaine à la Sous-Commission.
S’agissant des Sociétés transnationales (STN), la masse énorme de capital qu’elles concentrent leur confère un pouvoir sans précédent dans l’histoire. Le chiffre d’affaires des plus grandes STN est équivalent ou supérieur au PIB de nombreux pays et celui d’une demi-douzaine d’entre elles est supérieur aux PIB des 100 pays les plus pauvres réunis . Leur objectif étant l’obtention du profit maximum en un minimum de temps, elles n’excluent aucun moyen pour l’atteindre. Ainsi elles violent les droits du travail et les droits de l’homme. C’est pourquoi il est nécessaire d’établir un encadrement juridique obligatoire pour les STN. Partant de ce constat, le CETIM, en collaboration avec l’AAJ, a publié une brochure sur cette question.
S’agissant du droit à l’eau, le CETIM a présenté à la présente session de la Sous-Commission une déclaration écrite dans laquelle il attire l’attention sur les conséquences néfastes de la privatisation de l’eau sur la jouissance de ce droit (cf. E/CN.4/Sub.2/2002/NGO/11). Consacré dans de nombreux instruments internationaux et régionaux et inclus dans la législation de nombreux pays, le droit à l’eau est reconnue comme un droit de l’homme et ne peut pas être traité comme une marchandise.
Il faut rappeler que la privatisation de l’eau est souvent accompagnée de répression et de violence vis à vis des populations concernées qui s’y opposent. A ce sujet, le CETIM est vivement préoccupé par les violences policières et les arrestations arbitraires de 87 manifestants qui ont lieu à Johannesburg en avril dernier, suite à une manifestation non violente pour dénoncer la privatisation de l’eau par le Maire de la Ville M. Amos Masando. Nous suivrons avec attention le procès de l’activiste M. Trevor Ngwane qui débutera le 15 août prochain. La privatisation de l’eau à Johannesburg a rendu ce bien vital inaccessible pour de nombreux habitants qui sont obligés de boire l’eau polluée des rivières pour survivre, ce qui a provoqué une augmentation alarmante des cas de choléra.
Je vous remercie de votre attention.