Monsieur le Président,
(Dans le cadre de cette intervention, le CETIM souhaite apporter quelques commentaires concernant le nouvel ordre du jour proposé distribué aujourd’hui. Nous constatons en effet que l’alinéa d) du mandat du Groupe de travail figurant dans la résolution 1998/8 a tout simplement disparu. A nos yeux, il s’agit d’un des points essentiels si l’on considère le fait que les Etats formulent leurs propres politiques de développement. A toute fin utile, nous mentionnons l’alinéa en question : « formuler des recommandations et des propositions ayant trait aux méthodes de travail et aux activités des sociétés transnationales, afin d’assurer que ces méthodes et activités correspondent aux objectifs économiques et sociaux des pays dans lesquels elles opèrent, et de promouvoir la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, du droit au développement et des droits civils et politiques ».
Concernant le point III, nous aimerions préciser que les violations des droits civils et politiques, découlant des activités menées de la part des STN, sont, dans la majorité des cas, la résultante d’une situation de violation des droits économiques, sociaux et culturels des populations. C’est pourquoi il nous semble important que le Groupe de travail se penche prioritairement sur les causes et conséquences économiques, sociales, culturelles et environnementales de leurs activités.)
Dans ce sens, le CETIM a élaboré un document sommaire dégageant quelques pistes de réflexion et de travail, lequel a été distribué aux membres du Groupe de travail. Il est à disposition pour toute personne intéressée. Par ailleurs, il serait judicieux que le Président-Rapporteur ou qu’un des membres du Groupe de travail puisse se charger d’élaborer un dossier qui compilerait tout document relatif au point III de l’ordre du jour, pour les sessions suivantes, afin de permettre au Groupe de travailler d’une manière efficace.
Quant au point IV de l’ordre du jour, rappelons à ce propos que seuls deux textes juridiques internationaux de portée générale ont été édictés en ce qui concerne les STN. Le premier, la « Déclaration tripartite sur les sociétés transnationales » de l’OIT, n’est pas contraignant et concerne uniquement la réglementation du travail. Le second, les « Principes directeurs de l’OCDE sur les entreprises multinationales » n’est applicable qu’à l’intérieur des pays industrialisés et contient des principes d’encouragement à l’investissement international. Sur ce chapitre, il faut également souligner que le projet de Code de conduite (cf. E/1990/94) élaboré par la Commission des sociétés transnationales dépendant de l’ECOSOC a été abandonné en 1992.
Partant du constat que les sociétés transnationales jouissent d’un pouvoir considérable et qu’elles ne sont pas soumises aux responsabilités et obligations qui leur incombent en contrepartie (comme cela a été souligné d’ailleurs dans le rapport du Secrétaire général sur les sociétés transnationales (cf. E/CN.4/Sub2/1996/12 para 721), le Centre Europe-Tiers Monde souhaite que les recommandations finales du Groupe de travail portent notamment sur l’élaboration de principes directeurs de base au sein des Nations Unies dans le but d’édicter des règles et des normes contraignantes auxquelles les sociétés transnationales devraient se conformer en vue de respecter l’ensemble des droits humains.
Monsieur le Président,
Nous vous remercions de votre attention.
Contribution écrite
Méthodes de travail et activités des sociétés transnationales
Suite à l’adoption de la résolution 1998/8 de la Sous-Commission, le Centre Europe-Tiers Monde (CETIM) souhaite apporter sa première contribution au Groupe de travail en lui transmettant quelques pistes de réflexion qui mériteraient d’être examinées dans le cadre de ses travaux. Elles mettent l’accent en particulier sur les conséquences économiques, sociales, culturelles et environnementales découlant des méthodes de travail et des activités menées par les sociétés transnationales, notamment dans les pays du Sud.
Par ailleurs, il nous semble utile d’annexer une de nos interventions traitant de la perte progressive de la souveraineté des Etats suite à l’implantation massive des sociétés transnationales à l’échelle mondiale. Etant donné que leur objectif est la réalisation de bénéfices et de profits, elles ont recours à une kyrielle de moyens -légaux ou non-, en vue de favoriser leurs intérêts et d’influer sur les politiques économiques et sociales des pays dans lesquels elles opèrent. Force est de constater que cette réalité ne peut être écartée de nos réflexions.
Relevons finalement que si ces quelques pistes de réflexion n’abordent pas les conséquences sur les droits civils et politiques résultantes des méthodes de travail et des activités des sociétés transnationales, celles-ci mériteraient d’être prises en considération au sein du Groupe de travail.
Le Centre Europe-Tiers Monde (CETIM) souhaite que les recommandations finales du Groupe de travail portent notamment sur l’élaboration de principes directeurs de base au sein des Nations Unies dans le but d’édicter des règles et des normes contraignantes auxquelles les sociétés transnationales devraient se conformer en vue de respecter l’ensemble des droits humains.
Conséquences économiques
– Elimination de nombreuses entreprises, de productions nationales et disparition des économies traditionnelles de subsistance par une concurrence inégale, en particulier dans les pays du Sud (notamment les industries de l’agro-alimentaire contre la petite paysannerie)
– Pillage des ressources nationales (humaines et naturelles) par un rapatriement des profits disproportionné (pourcentage dérisoire des bénéfices accordé à l’Etat et/ou au développement du pays)
– Explosion des placements spéculatifs au détriment du secteur productif
– Maîtrise et monopole de la technologie : obstacles et restrictions au transfert de technologie; acquisition des brevets sur le vivant; rapt du patrimoine génétique des pays du Sud
– Contrôle de l’information par les monopoles médiatiques et marginalisation des médias indépendants
Conséquences sociales
– Inégalité et insolvabilité grandissantes des citoyens : limitation d’accès aux produits et aux services de base auparavant garantis ou subventionnés par les autorités publiques (alimentation, eau potable, santé, éducation)
– Exode rural accentué par la destruction des milieux de vie et des modes de productions traditionnels
– Déplacements de populations liés aux projets, notamment, d’implantation de barrages, d’exploitations minières et pétrolières et de sites touristiques
– Atteintes à la santé par une commercialisation inadaptée de produits pharmaceutiques et nutritionnels
– Précarité des conditions de travail, notamment dans les zones franches (non respect des normes internationales de l’OIT)
– Licenciements collectifs suite à des restructurations, rachats et/ou fusions
Conséquences culturelles
– Conditionnement du mode de vie des populations par le biais de la publicité et des médias transnationaux
– Uniformisation à l’échelle internationale des produits (alimentation, habillement, musique, cinéma) au détriment des productions et usages locaux
– Atteintes au partage du savoir par les droits de la propriété intellectuelle
Conséquences sur l’environnement et les milieux de vie
– Destruction d’écosystèmes et réduction de la biodiversité par une exploitation intensive des ressources et des terres ou par l’implantation de grands projets
– Pollutions et déchets toxiques résultants d’activités industrielles (nucléaire, pétrole, chimie)
Extrait d’une intervention prononcée dans le cadre de:
Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités.
49ème session – Août 1997
Droits économiques, sociaux et culturels
Monsieur le Président,
L’article 2 de la Charte des droits et devoirs économiques des Etats stipule que “chaque Etat détient et exerce librement une souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses, ressources naturelles et activités économiques, y compris la possession et le droit de les utiliser et d’en disposer”. Force est de constater que le phénomène de mondialisation, caractérisé par la libéralisation des marchés, les déréglementations et les privatisations du tissu des économies nationales, dépouille les Etats de leur souveraineté nationale. Cette réalité découle essentiellement de trois facteurs: d’une part les politiques imposées par les institutions de Bretton Woods, en particulier par les mesures dictées dans le cadre de l’ajustement structurel, d’autre part, les politiques des institutions commerciales internationales, notamment par l’adaptation des législations nationales aux termes stipulés dans les Accords du GATT, et finalement le changement de physionomie des maîtres de l’économie mondiale, notamment l’emprise de plus en plus dominante des sociétés transnationales.
n se référant aux derniers facteurs, le Centre Europe-Tiers Monde (CETIM) et le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) voudraient mettre en évidence les effets dévastateurs sur l’unité constitutive de l’Etat et du capital national qui découlent des implantations des sociétés transnationales, de plus en plus nombreuses. Mode d’organisation incontournable de l’économie mondiale, celles-ci régularisent l’ensemble du système de production et d’échange à l’échelle planétaire en subordonnant le rôle d’un Etat souverain, et ce en contradiction flagrante avec les résolutions 2626 (XXV), 3201 (S.VI) et 3281 (XXIX) -cette dernière stipulant que chaque Etat est chargé “de réglementer et de surveiller les activités des sociétés transnationales dans les limites de sa juridiction nationale”. Avec la création de l’Organisation Mondiale du Commerce promulguant des politiques notamment en faveur de l’activité des sociétés transnationales, faut-il conclure que les résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies deviennent caduques et insignifiantes?
Afin de mieux cerner la perte de souveraineté nationale, sans toutefois porter de jugement sur les choix de politique de développement national retenus par l’un ou l’autre des Etats de notre planète, il est nécessaire de porter un regard sur les instruments et les moyens dont ceux-ci s’étaient dotés face aux investissements directs étrangers (IDE).
En effet, jusque dans les années 80, lorsqu’une société transnationale souhaitait implanter une filiale hors de son pays d’origine, celle-ci était soumise à des restrictions du pays hôte, telles que l’autorisation préalable d’investissement, le contrôle des changes, le soutien des firmes locales par une politique industrielle, le transfert de technologie, les règles de protection de l’environnement, les plafonds au rapatriement des profits, la création d’emplois locaux assortis de programmes de formations professionnelles, les restrictions sur l’emploi d’expatriés, le contrôle des prix tout comme la sécurité et la souveraineté nationales sur notamment les télécommunications et les services publics. Par ailleurs les pays hôtes imposaient une prise de participation de capitaux locaux, privés ou publics dans les filiales créées par des sociétés transnationales implantées sur leur territoire. Cette participation locale fit qu’entre 1960 et 1976, 1’369 filiales de sociétés transnationales furent nationalisées, alors que depuis 1985 aucune n’a suivi ce chemin…
Au contraire, les programmes de privatisation, tout comme d’ailleurs la création des zones franches, sont depuis lors utilisés pour attirer les investissements directs étrangers (IDE). Il arrive même que les sociétés transnationales soient invitées, en particulier dans certains pays du Sud, à prendre part à la privatisation, et ce, par le biais de conversions de titres de la dette extérieure en titres de propriétés d’entreprises locales. Ce constat amer face à la privatisation est la résultante des politiques imposées par la Banque Mondiale et le FMI qui toutefois, en tant qu’organisations spécialisées du système des Nations Unies ont le devoir de favoriser l’exercice des droits économiques et sociaux stipulé dans les articles 57, 58, 63 et 64 de la Charte des Nations Unies!
A l’heure actuelle, les rapports de force se sont inversés entre les pays hôtes et les sociétés transnationales. Force est de constater que les prérogatives, auparavant mentionnées, dont s’étaient dotés les Etats, sont mises hors jeu. Le climat idéologique actuel nie le droit des Etats d’avoir des prétentions de politique nationale de développement. Dans ce sens le CETIM et le MRAP appuient les propos du professeur Riccardo Petrella: je cite: “Cette logique de guerre réduit le rôle de l’Etat à celui d’un vaste système d’ingénierie juridique, bureaucratique et financière mis au service de la performance commerciale de l’entreprise. L’Etat n’est plus l’expression politique de l’intérêt public collectif; il devient un acteur parmi d’autres, chargé de créer les conditions favorables à la compétitivité des entreprises. L’intérêt général se résume à celui des firmes géantes se disputant les marchés mondiaux. Il est évident que cette idéologie est en contradiction avec toute forme de démocratie participative” fin de citation.
Au contraire, les programmes de privatisation, tout comme d’ailleurs la création des zones franches, sont depuis lors utilisés pour attirer les investissements directs étrangers (IDE). Il arrive même que les sociétés transnationales soient invitées, en particulier dans certains pays du Sud, à prendre part à la privatisation, et ce, par le biais de conversions de titres de la dette extérieure en titres de propriétés d’entreprises locales. Ce constat amer face à la privatisation est la résultante des politiques imposées par la Banque Mondiale et le FMI qui toutefois, en tant qu’organisations spécialisées du système des Nations Unies ont le devoir de favoriser l’exercice des droits économiques et sociaux stipulé dans les articles 57, 58, 63 et 64 de la Charte des Nations Unies!
A l’heure actuelle, les rapports de force se sont inversés entre les pays hôtes et les sociétés transnationales. Force est de constater que les prérogatives, auparavant mentionnées, dont s’étaient dotés les Etats, sont mises hors jeu. Le climat idéologique actuel nie le droit des Etats d’avoir des prétentions de politique nationale de développement. Dans ce sens le CETIM et le MRAP appuient les propos du professeur Riccardo Petrella: je cite: “Cette logique de guerre réduit le rôle de l’Etat à celui d’un vaste système d’ingénierie juridique, bureaucratique et financière mis au service de la performance commerciale de l’entreprise. L’Etat n’est plus l’expression politique de l’intérêt public collectif; il devient un acteur parmi d’autres, chargé de créer les conditions favorables à la compétitivité des entreprises. L’intérêt général se résume à celui des firmes géantes se disputant les marchés mondiaux. Il est évident que cette idéologie est en contradiction avec toute forme de démocratie participative” fin de citation.