Le rôle crucial joué par les sociétés transnationales (STN) à l’échelle planétaire préoccupe les chercheurs et militants en droits humains depuis de nombreuses années. Dans une publication récente, un des auteurs du présent Cahier a résumé ainsi la question : « Pour comprendre le système du pouvoir dominant dans la société contemporaine, il y a lieu de connaître le rôle qu’y jouent les STN. Les STN agissent dans la production de biens et services ‒ pratiquement dans toutes les sphères de l’activité humaine ‒ aussi bien que dans la spéculation financière. Elles interviennent y compris dans des activités illicites et dans une zone grise située entre la légalité et l’illégalité. Elles occupent un rôle de premier plan dans les décisions du pouvoir et dominent les instruments permettant de dicter aux êtres humains leur comportement, leurs idées, leurs aspirations et habitudes. Cette activité à multiples facettes est dominée par un objectif fondamental : l’obtention du profit maximum en un minimum de temps et, pour l’atteindre, les STN, avant tout celles qui jouissent du plus grand pouvoir, ne reculent devant aucun moyen, assurées qu’elles sont de la complicité de la majorité des élites politiques nationales et internationales et des services d’une bonne partie des élites intellectuelles et des personnalités les plus en vue de la prétendue ‘société civile’. Et, quand les circonstances le nécessitent, elles peuvent compter sur l’appui de la force armée, visible et/ou clandestine ‒ armée, services spéciaux, etc. ‒ des grandes puissances. Il s’agit en conséquence de comprendre et d’expliquer comment le pouvoir énorme des STN est en train de vider de tout contenu la démocratie représentative et en quoi il constitue un facteur de premier ordre dans la crise politique, économique, sociale, écologique et culturelle qui touche actuellement l’humanité. Cela permet de réfléchir à la question de savoir comment les êtres humains, qui ‘naissent libres et égaux en dignité et en droits’, peuvent récupérer, dans le cadre d’une société démocratique et participative, le pouvoir de décision sur leur propre destin. »
Ce constat est désormais corroboré par des scientifiques. En effet, dans une étude pluridisciplinaire portant sur 43 000 STN (selon les critères de l’OCDE), trois chercheurs de l’Institut fédéral de technologie de Zurich concluent que 737 STN contrôlent, à travers de denses et complexes réseaux tissés au niveau mondial entre toutes les STN, 80% des valeurs de l’ensemble des STN et que 147 d’entre elles (qualifiées de « super-entity » par ces chercheurs) en contrôlent 40%.
Le présent Cahier se veut une actualisation et un complément à la brochure intitulée Sociétés transnationales et droits humains, publiée par le CETIM en 2005. Etant donné que le CETIM a fait paraître de nombreux ouvrages (livres, brochures et cahiers) portant sur divers aspects des problèmes posés et des violations des droits humains commises par les STN, le présent Cahier se concentrera principalement sur : les tentatives, jusqu’ici sans succès, d’établir des normes internationales obligatoires concernant les STN, l’industrie d’armement, les STN de mercenariat, les crises économiques et financières ainsi que l’appauvrissement et la détérioration des conditions d’existence de larges franges de la population mondiale qui s’ensuivent.
Page internet du Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, M. John Ruggie, sur les droits de l’homme et les sociétés transnationales et autres entreprises sur le site du Haut-Commissariat des droits de l’homme (uniquement en anglais)
Site personnel du Représentant spécial : Business and Human Rights Resource Centre