Depuis son accession à l’indépendance en 1960, la vie politique à Madagascar est ponctuée de plusieurs tentatives de coups d’Etat avant celui de 2009. En effet, le 17 mars 2009, le maire de la capitale Andry Rajoelina a pris le pouvoir par la force, plongeant ce pays dans une crise politique sans fin. Bien que l’Union africaine ait tenté de trouver un accord politique consensuel et inclusif de sortie de crise, un régime de transition, fortement dominé par les putschistes et leurs alliés, a été mis en place en 2010.
La période qui s’ensuit est marquée par une gestion chaotique du pays où corruption, insécurité, intimidation et pauvreté constituent le lot quotidien des Malgaches. On constate un pillage à grande échelle des biens publics et des richesses naturelles, et ce malgré l’interpellation des instances internationales, notamment de l’Assemblée Parlementaire ACP UE1 quant à la nécessité de protéger les ressources naturelles contre tout abus.
Répression au sud de Madagascar
Le sud de Madagascar est constitué de cinq régions administratives: Androy (476 000 hab – Chef lieu: Ambovombé), Anosy (544 000 hab – Chef lieu: Taolagnaro), Ihorombé (190 000 hab – Chef lieu : Ihosy), Atsimo-Atsinanana (621 000 hab – Chef lieu : Farafangana) et Atsimo-Andrefana (1 100 000 hab – Chef lieu : Toliara). La densité de la population y est inférieure à la moyenne nationale et plus de 70% des habitants vivent en zone rurale. La population pratique l’élevage contemplatif de zébus lors des cérémonies coutumières. La pauvreté affecte plus gravement les enfants du sud de Madagascar où plus de 65% d’entre eux sont dans une situation de pauvreté extrême2. Ces enfants sont privés de leurs droits les plus fondamentaux tels que l’alimentation, la santé, l’éducation, le logement et la sécurité.
Depuis le mois de juin 2012, le sud de Madagascar, principalement la population des régions de l’Androy et de l’Anosy, est cible d’attaques répétées par les forces de l’ordre et des milices armées. En effet, sous le prétexte officiel de lutter contre les « Dahalo »3, les forces de l’ordre mènent des opérations militaires avec l’utilisation d’armes lourdes (fusils d’assaut, lance-roquettes, etc.) et d’hélicoptères. De plus, une force spéciale, dotée de moyens importants en hommes et en matériels, a été spécialement créée pour mener l’opération « Tandroka » (cornes de zébus) dont l’objectif officiel est de capturer le chef présumé des dahalo, Remenabila. Le commandement a été confié au chef de la police politique de Rajoelina, le colonel Réné Lylison.
Lors de trois opérations « Tandroka », de septembre 2012 à avril 2013, les forces de l’ordre ont commis des massacres dans la région d’Amboasary-Sud, faisant plusieurs centaines de victimes dont des femmes et des enfants tués par balles ainsi que des présumés dahalo exécutés sommairement4. Des jeunes dont des mineurs, accusés d’être des bandits, ont été mutilés ou torturés à mort avec l’encouragement des forces de l’ordre. Ces dernières ont également brûlé entièrement une vingtaine de villages5. Suite à ces opérations, plus de 3000 personnes, terrorisées, ont fui soit vers les grandes villes, soit dans la forêt. La plupart d’entre elles se trouvent dans un dénuement total (sans abris et sans nourriture).
Malgré ces opérations et les moyens mobilisés, le chef présumé des « dahalo », le fameux Remenabila (existe-il réellement ?), est toujours insaisissable.
Zones riches en ressources naturelles
Les localités concernées par ces massacres sont situées dans des zones dont le sous-sol est d’une richesse exceptionnelle, objet de convoitise pour tous les prédateurs. En effet, cette partie du pays possède un potentiel considérable. En plus de l’élevage de bovins, les ressources minérales sont importantes et variées : elles comprennent des minerais industriels (uranium, mercure, terres rares, mica, charbon, ilménite), des pierres précieuses et semi-précieuses (saphir, émeraude, cristal de roche, …), de l’or mais aussi du diamant de très haute qualité. Le pétrole est également présent dans le sous-sol de la région. Selon les témoignages de certains notables locaux, il y a « une volonté de certains lobbies politiques et économiques de ‘dégager’ une bonne partie du Sud de sa population afin de faciliter l’exploitation des terres et des richesses du sous-sol de cette partie de l’île »6. Connaissant l’attachement des populations à leurs terres ancestrales qui constituent leur milieu de vie, on peut aisément comprendre que, sans le recours à des actions très violentes de grande ampleur, elles ne les abandonneront pas facilement. On assiste donc à un déplacement forcé de populations et à la confiscation des terres par la force. Les terres ainsi accaparées sont octroyées le plus souvent à des sociétés transnationales (STN) de l’exploitation minière ou de l’agro-business avec la complicité active des autorités nationales.
En effet, les dirigeants actuels de la transition ont multiplié les contrats de concessions foncières ou avec des grandes STN et d’autres Etats, qui conduisent à l’accaparement des terres à grande échelle, acte qui leur est interdit pourtant pendant la période de transition en vertu des engagements contenus dans la Feuille de Route que A. Rajoelina et son entourage ont signée7.
Historiquement, le système foncier malgache est fondé sur deux références : primo, la terre est à celui qui la met en valeur ; secundo : le droit sur la terre est établi et reconnu par la puissance publique. La loi n° 2005-19, adoptée en 2005 sous la Présidence de Ravalomanana, a réformé les statuts des terres en abrogeant le principe de présomption de domanialité en vigueur depuis l’ère coloniale; principe qui avait pour effet d’exclure les droits coutumiers ou autres maîtrises foncières. Autrement dit, dorénavant, l’Etat n’est plus le propriétaire présumé des terrains non immatriculés. La loi reconnaît que l’occupation attestée de longue date d’un terrain (cas des occupations souvent ancestrales) vaut une présomption de propriété et confie aux communes l’attribution et la gestion des titres fonciers.
Problèmes posés par les STN actives au Madagascar
A Madagascar, les activités d’exploitation de ces ressources sont généralement exercées par des STN. On peut résumer les problèmes posés par les STN opérant dans ce pays8 comme suit : la non légalité et la corruption, la non consultation des populations concernées et la privation pour ces populations de leurs moyens de subsistance ; doù de multiples violations des droits humains.
En effet, comme déjà souligné, la plupart des STN installées récemment à Madagascar ont obtenu leur permis d’exploitation soit par les putschistes soit par le régime de transition. De ce fait, elles n’ont ni la légalité ni la légitimité d’opérer dans ce pays. De plus, ces permis ont été obtenus à la faveur d’une forte corruption des dirigeants politiques précités9.
Outre le fait que les populations concernées ne sont nullement consultées sur des projets d’exploitation minière, la pollution du milieu de vie des paysans et éleveurs les prive de leurs moyens de subsistance. Dans un pays où plus de 1/3 de la population souffre déjà de l’insécurité alimentaire (ce taux monte à 68% dans le sud), la déforestation se poursuit à un rythme vertigineux10 ; la dégradation de l’environnement devient un enjeu capital.
Conclusion
Au vu de ce qui précède, nous demandons :