Le CETIM a dénoncé à plusieurs reprises1 l’impasse dans laquelle les gouvernements successifs au pouvoir en Israël ont placé la résolution du conflit, ainsi que l’incapacité de la communauté internationale à faire respecter à ce pays le droit international, le droit international humanitaire et les nombreuses résolutions adoptées par les instances onusiennes.
L’occupation israélienne est source de violations quotidiennes des droits humains des Palestiniens par notamment le quadrillage des territoires palestiniens, la construction d’un « mur », des destructions massives des habitations privées et infrastructures publiques. Elle a des conséquences dramatiques sur de nombreux droits humains, en particulier le droit à la vie des Palestiniens.
1. Quadrillage des Territoires palestiniens
Par un savant quadrillage militaire et la poursuite de la colonisation dans les Territoires occupés, le gouvernement israélien fait tout pour rendre les déplacements et les activités quotidiennes du peuple palestinien les plus difficiles possibles et ce en contradiction flagrante avec le droit international et les règles internationales des droits de l’homme.
Environ 140 postes de contrôle permanents sont établis par les autorités israéliennes en Cisjordanie et 25 à 302 dans la Bande de Gaza, à l’entrée des villes ou à chaque grand carrefour. A ceux-ci s’ajoutent des dizaines de postes de contrôle dits « mobiles ». En plus de contrôler les allées et venues des Palestiniens, les autorités israéliennes peuvent fermer quant elles le souhaitent ces postes, « emprisonnant » de facto tout un peuple et entravant volontairement tout développement économique.
Les tableaux suivants montrent le nombre de jours de fermeture des postes de contrôle internes et externes à la Bande de Gaza entre le 28 septembre 2000 et le 28 septembre 20033.
Nombre de jours de fermeture des postes de contrôle internes à la Bande de Gaza :
Postes de contrôle Nombre de jours de fermeture
Abu Holly (Al Hikir) 44
Rafah-Khan Younis (Morag) 632
Khan Younis-Deir Al Balah (Um Al Ajeen) 630
Gaza-Deir Al Balah (Nitzarim) 547
Nombre de jours de fermeture de postes de contrôle externes à la Bande Gaza :
Carrefour Nombre de jours de fermeture
Sofa (Sud) 549
Rafah (Sud) 167
Al Muntar/Karni (Nord-Est) 115
Beit Hanoun/Erez (Nord) 492
Gaza International Airport (Sud) 1018
L’UNSCO (UN Special Coordinator for the Middle East Peace Process) avait déjà attiré l’attention sur cette situation alarmante en octobre 2002, ainsi : le bouclage intérieur total équivalait pour la Cisjordanie à 66% du temps et le bouclage intérieur partiel à 34% pour la Cisjordanie et 94% pour la Bande de Gaza4. Combinés avec plus de 200 barrages routiers, les postes de contrôle divisent la Cisjordanie en 300 entités séparées et la Bande de Gaza en trois. Pour passer ces barrages et postes de contrôle chaque Palestinien, dès l’âge de 12 ans, doit se munir d’un permis auprès de l’administration israélienne. Certains de ces documents ne sont valables qu’un mois et leur obtention est laborieuse et ne garantit pas du tout une liberté de déplacement dans les Territoires. Ce droit est réservé exclusivement aux colons israéliens qui peuvent utiliser à leur guise les routes de contournement, construites sans l’accord de l’Autorité palestinienne, et qui relient les colonies illégales israéliennes implantées en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza entre elles, et avec Israël. Ces routes tronçonnent les Territoires occupés et rendent leur continuité impossible. Toute politique volontariste d’aménagement de la part de l’Autorité palestinienne est rendue impossible dans ce contexte.
A cause du bouclage, l’économie palestinienne est pratiquement paralysée : le PNB a chuté de 38% par rapport à son niveau de 1999. Parallèlement, plus de 100 000 emplois occupés par des Palestiniens ont été perdus, en Israël, avec le début de l’Intifada, leur permis de travail et de déplacement ayant été révoqués. On estime aujourd’hui le taux de chômage à plus de 50% et 60% des Palestiniens vivent avec moins de 2 US$ par jour5.
2. « Clôture de sécurité » ou annexion de territoires palestiniens supplémentaires et mur d’apartheid
Il existe une « clôture de sécurité » érigée unilatéralement par Israël et dont le tracé tortueux, loin de respecter la « Ligne verte » de 1967, pénètre largement en Cisjordanie. C’est une entrave à la liberté de mouvement des Palestiniens et à leur souveraineté territoriale et les quelques portes qui y sont aménagées6 et ouvertes épisodiquement n’y changeront rien. Construite en béton armé, cette clôture n’est autre qu’un « mur » qui constitue une annexion pure et simple des meilleures terres et des réserves aquifères palestiniennes et, à la fin de sa construction, plus de la moitié des 400 000 colons établis illégalement en Cisjordanie et Jérusalem-Est ainsi que les terres colonisées se retrouveront en territoire israélien.7
Le Rapporteur spécial pour les Territoires occupés palestiniens, John Dugard, écrit à propos du « mur » et des annexions illégales effectuées de facto par Israël qu’ : « en droit international, un autre terme est employé pour désigner ce type d’annexion, à savoir celui de conquête. La conquête, ou l’acquisition de territoire par la force, a été proscrite en vertu du Pacte Briand-Kellogg de 1928 et du paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte des Nations Unies. […] Cette interdiction a été confirmée par la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité et les Accords d’Oslo, en vertu desquels le statut de la Rive occidentale et de Gaza ne peut pas être modifié tant que les négociations sur le statut permanent n’auront pas abouti.[…] »8
Le Comité des droits de l’homme a condamné la construction du « mur » en ces termes : « L’État partie [Israël] devrait respecter le droit à la liberté de circulation garanti par l’article 12 [du Pacte international relatif aux droits civils et politiques]. Il devrait arrêter les travaux de construction en vue de la création d’une ‘Zone de séparation’ à l’intérieur des territoires occupés »9.
Quant à l’Assemblée générale de l’ONU, outre l’arrêt immédiat des travaux10, elle a demandé en décembre dernier un avis consultatif à la Cour Internationale de Justice sur la construction du « mur »11.
Les Territoires palestiniens sont aussi sans accès sur l’extérieur par la décision unilatérale d’Israël. Depuis février 2001, l’aéroport international de Gaza est fermé et sa piste d’atterrissage a été partiellement détruite par les bulldozers et hélicoptères israéliens à deux reprises en décembre 2001 et janvier 2002. Le passage entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie, pourtant protégé par les accords d’Oslo, a été fermé en octobre 2000. Quant aux frontières vers la Jordanie ou l’Égypte (Rafah), elles sont régulièrement bouclées.
De plus, des couvre-feux sont régulièrement imposés sous prétexte d’opérations tactiques ou de mesures de représailles. Mais ils ne sont pas que des interdictions de se déplacer la nuit, car très souvent ils durent plusieurs jours comme cela a été le cas récemment à Naplouse12. Il est presque impossible de se ravitailler et d’effectuer des achats. Les levées sporadiques du couvre-feu permettent uniquement de rassembler des biens de première nécessité, de quoi subsister quelques jours.
3. Destructions à large échelle des habitations privées et infrastructures publiques
Les destructions d’habitations privées par les Forces d’occupation israéliennes (FOI) sont une autre dimension de la politique de répression menée par Israël contre le peuple palestinien dans son ensemble. La destruction totale ou partielle de plus de 11 000 habitations privées en 3 ans a poussé à la rue des dizaines de milliers de familles. Au passage des bulldozers israéliens, commerces, puits, lignes électriques et téléphoniques, système de recyclages des eaux usées, bâtiments publics (écoles, postes de gendarmerie, etc.), ainsi que des dizaines de lieux de cultes (mosquées, églises, cimetières) sont détruits. Ces actions violent impunément les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels qui stipulent entre autres qu’ : « il est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à l’Etat ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires. »13 et « […] il est interdit : a) de commettre tout acte d’hostilité dirigé contre les monuments historiques, les oeuvres d’art ou les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples ; b) d’utiliser ces biens à l’appui de l’effort militaire ; c) de faire de ces biens l’objet de représailles. »14
4. Droit à l’alimentation et à l’eau potable
Suite à sa mission dans les Territoires occupés, le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation a dénoncé la situation alarmante en matière d’alimentation et de sécurité alimentaire parlant même de « catastrophe humanitaire »15.
L’accès à l’eau potable n’est pas plus aisé. Bien que la majorité des réserves d’eau de la région se trouve en territoire palestinien, Israël en détourne à son profit plus des 7/8. La majorité des villes et villages palestiniens ne reçoivent que quelques heures d’eau par semaine, tandis que les postes militaires israéliens et les colonies sont alimentées 24 heures sur 24. En raison de l’augmentation des coûts de transport occasionnée par les barrages routiers «le prix de l’eau acheminé par tanker a connu une augmentation de 80% depuis septembre 2000.»16 Ces mesures sont en contradiction flagrante avec le droit international humanitaire qui précise qu’ : « 1) Il est interdit d’utiliser contre les civils la famine comme méthode de guerre. 2) Il est interdit d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de mettre hors d’usage des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que des denrées alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d’eau potable et les ouvrages d’irrigation, en vue d’en priver, à raison de leur valeur de subsistance, la population civile ou la Partie adverse, quel que soit le motif dont on s’inspire, que ce soit pour affamer des personnes civiles, provoquer leur déplacement ou pour toute autre raison. »17
5. Répercussions de la politique de colonisation sur le niveau de santé des Palestiniens
La politique de colonisation israélienne, les couvre-feux et les bouclages ont un impact catastrophique sur l’état de santé physique et psychologique du peuple palestinien. Bien souvent, les Palestiniens se voient refuser l’accès aux hôpitaux et aux cliniques et les ambulances sont refoulées ou bloquées par les FOI.18
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) insiste, elle aussi, sur le rôle essentiel joué par la colonisation dans la dégradation du niveau de santé du peuple palestinien et le mépris total des normes sanitaires par Israël, à travers quelques exemples concrets : « l’intensification des activités de colonisation israéliennes a ajouté une autre dimension à cette crise humanitaire. […] Le système d’égouts des zones d’implantation situées sur le flanc Est des collines au Nord de Jérusalem a contaminé les réserves d’eau douce destinées à la boisson et à l’irrigation dans les zones palestiniennes jusqu’à Jéricho. Les déchets chimiques rejetés par les usines israéliennes dans la zone d’Al-Naqab, qui traversent la vallée pour aller se déverser dans la mer, et les bassins de décantation des colonies israéliennes, qui sont installés au-dessus de la nappe phréatique dans la Bande de Gaza, constituent aussi des risques graves pour la santé de la population […]. » Et le prévient en outre que « la situation de crise humanitaire en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza a atteint un niveau de gravité que l’on avait jamais connu en 35 ans d’occupation.»19
CONCLUSION
Israël refuse toujours de faire face à ses obligations internationales en tant qu’Etat occupant et continue sa politique jusqu’au-boutiste de spoliation et de destruction des biens et des ressources palestiniennes et d’anéantissement de ce peuple. Il continuera dans cette voie tant qu’il n’y aura pas de mesures concrètes à son égard, comme le confirme la déclaration récente de son gouvernement qui annonce déjà qu’il ne reconnaîtra pas la décision de la Cour Internationale de Justice sur la construction du « Mur »20.
Les recherches de solutions de la part de certaines puissances en dehors du cadre de l’ONU, aussi louables soient-elles, ne font que perdurer la souffrance du peuple palestinien. C’est pourquoi le CETIM exhorte la communauté internationale à prendre des mesures concrètes à l’égard d’Israël afin que ce pays respecte la jouissance de l’ensemble des droits humains du peuple palestinien, le droit international et le droit international humanitaire, en mettant un terme à la politique du fait accompli. Il s’agit en ce sens de deux mesures urgentes à prendre :
1) suspension d’Israël de l’ONU (à l’instar d’Afrique du Sud à l’époque d’Apartheid), tant qu’il ne se conforme pas aux décisions prises par les instances de cette institution ;
2) envoi des forces de protection internationale jusqu’à ce que ce conflit soit résolu conformément aux résolutions de l’ONU.