Stop à l'impunité des sociétés transnationales!

 

Depuis de nombreuses années, le Centre Europe-Tiers Monde (CETIM) et l’Association Américaine de Juristes (AAJ) mènent des réflexions et activités sur l’encadrement juridique des sociétés transnationales (STN) au niveau international afin de prévenir et, le cas échéant, de sanctionner les violations des droits humains commises par celles-ci. Cette année, la Commission des droits de l’homme (CDH) a décidé de lancer une consultation auprès des Etats et ONG sur le « Projet de normes sur la responsabilité des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en matière de droits de l’homme », adopté en août 2003 par la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme (cf. E/CN.4/Sub.2/2003/12/Rev.2).

Vous trouverez ci-dessous une déclaration que nous avons formulée pour répondre à cette consultation, car il est très important que les ONG et mouvements sociaux se mobilisent sur cette question afin de contrer les pressions de la Chambre de commerce internationale et l’Organisation internationale des employeurs sur les Etats. En effet, si la CDH a renvoyé l’examen de la responsabilité en matière de droits de l’homme des STN à l’année prochaine, c’est justement suite aux pressions de ces dernières qui ont produit un document de 42 pages contre le projet précité.

CETIM et AAJ


DECLARATION A PROPOS DU PROJET DE NORMES SUR LA RESPONSABILITE DES SOCIETES TRANSNATIONALES ET AUTRES ENTREPRISES COMMERCIALES EN MATIERE DE DROITS DE L’HOMME

Lors de sa 60ème session (15 mars-23 avril 2004), la Commission des droits de l’homme de l’ONU (CDH) a décidé de demander au Haut Commissaire aux droits de l’homme d’organiser une consultation à propos du projet de « Normes sur la responsabilité des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en matière de droits de l’Homme » adopté par la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’Homme de l’ONU (SCDH) en août 2003.

En réponse à cette demande, nous, les mouvements et organisations sous-signés, déclarons ce qui suit :

- Nous saluons l’initiative de la SCDH d’avoir, enfin, empoigné le problème des méthodes de travail des sociétés transnationales (STN) qui constituent aujourd’hui l’une des sources majeures, directes et indirectes, de violations des droits humains et de régression des droits fondamentaux, sociaux, politiques, économiques et environnementaux.

- Nous approuvons sans réserve la volonté de la SCDH d’imposer aux STN un cadre juridique international contraignant afin de contrôler leurs activités et de prévenir et sanctionner les violations qui pourraient en découler.

- Nous rappelons, avec la SCDH, que l’ensemble des normes de droit international en matière de droits humains et environnementaux recensées dans le projet est déjà applicable aux STN, comme à toute autre entreprise ou tout individu. En réalité, nous constatons que le problème posé ne réside pas dans l’absence de normes - celles-ci existent déjà - mais dans la capacité ou la volonté des gouvernements et des Etats de les imposer et dans l’insuffisance, voire l’inexistence, de mécanismes juridictionnels internationaux adéquats pour pallier ces carences.

- En conséquence, nous appelons le Haut Commissaire à appuyer l’initiative de la SCDH afin de la faire aboutir et engageons nos gouvernements, notamment ceux à la tête d’Etats actuellement membres de la CDH, à examiner positivement ce projet qui constituera, une fois introduites les améliorations nécessaires, un progrès important vers le contrôle juridique et social des activités des STN.


Les améliorations que nous préconisons portent notamment sur trois points importants qui, en l’état du texte, sont traités de façon insatisfaisante :

1. La responsabilité à attribuer aux sociétés transnationales quant à l’ensemble du processus de production, de distribution et de commercialisation qu’elles dirigent effectivement, en particulier la responsabilité solidaire des STN avec l’ensemble de leurs fournisseurs, sous-traitants et preneurs de licences, dans la mesure où il s’agit d’une même chaîne économique placée sous leur emprise. On sait en effet que les STN ont « l’art » d’être à la fois partout et nulle part, d’externaliser les coûts et les risques et de concentrer les profits. L’application de ce principe reconnu du droit permettrait aux victimes de demander réparation des dommages soit conjointement à tous les responsables, soit à celui ou à ceux de leur choix et convenance, en fonction de leur solvabilité ou d’autres critères.

2. L’introduction dans le projet du principe de la responsabilité civile et pénale individuelle des dirigeants des STN, soit de celles et ceux qui prennent pour celles-ci les décisions d’ordre stratégique, en tant que propriétaires principaux, gérants, membres du Directoire ou du Conseil d’administration. On sait en effet qu’en cas d’infractions et de procès, ce sont la plupart du temps des exécutants, cadres subalternes ou travailleurs, qui sont sanctionnés - si sanction il y a ! -, car les chaînes de commandement aboutissant aux actes incriminés sont généralement très subtilement fractionnées, camouflées ou dissimulées.

3. Les mesures de suivi. C’est ici un des plus gros manques du projet. Un travail important doit être encore accompli pour dessiner des perspectives ouvrant sur des instruments d’application contraignants véritablement efficaces, notamment à l’échelon international.


Cela étant, nous appelons également les uns et les autres, gouvernements comme instances onusiennes, conformément à leur devoir de promouvoir les droits humains en priorité sur toute autre considération, à oser s’affronter collectivement aux pressions des sociétés transnationales afin de faire aboutir ce projet, avec des améliorations nécessaires précitées.

Face aux prétentions des sociétés transnationales qui continuent d’agir en dépit et en marge des lois, c’est aux gouvernements et aux organismes pertinents des Nations Unies de faire preuve de leur détermination pour accomplir leurs mandats et leur obligation de défendre la démocratie et les droits humains.

L’abandon ou le report indéterminé de l’étude du projet devra être interprété comme l’abdication de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies et des gouvernements face à l’arrogance du pouvoir économique international.


LISTE DES 86 ONG SIGNATAIRES AU 06/08/2004:

Actares – actionnariat pour une économie durable
Akuaipa Waimakat - Asociación para la divulgación, promoción y defensa de los derechos humanos e indígenas de los territorios y asentamientos Wayuu de la Guajira
Alternativa Solidaria - Plenty
Amorces
Anti-Racism Information Service (ARIS)
Arbeitskreis Tourismus & Entwicklung

Associación Americana de Juristas
Asociación Anahí - La Plata, Argentina
Asociación Latinoamericana de Abogados Laboralistas
Asociación Libre de Abogados de Madrid
Asociación PROYDE (Promoción y Desarrollo)
Asociación Vasca de Abogados (ESKUBIDEAK)
Assemblée Européenne des Citoyens
Associação Brasileira de Advogados Trabalhistas (ABRAT)
Associação Luso-Brasileira de Juristas do Trábalho – Portugal
Association des Juristes Saharaouis (UJS)
Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (AITEC)
Association internationale des juristes démocrates (AIJD)
Association Taralift
Attac Espagne
Attac Maroc-Groupe de Rabat
Bangsa Adat Alifuru
Campaña la deuda o la vida - Mar del Plata, Argentina
Centre de Documentation et d'Information pour le Développement, les Libertés et la Paix (CEDIDELP)
Centre de Documentation Solidarité Internationale Développement Durable Droits de l’Homme (CRISLA)
Centre de Documentation Tiers Monde (CDTM)
Centre d'Etudes et d'Initiatives de Solidarité Internationale (CEDETIM)

Centre Europe-Tiers Monde (CETIM)
Centro de Derechos Económicos y Sociales (CEDES) - Ecuador
Comisión para la defensa de los derechos humanos en Centroamérica (CODEHUCA)
Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde (CADTM)
Commission Socialiste de Solidarité Internationale (CSSI)
Confederación General del Trabajo (CGT) – España
Confederación indígena tayrona
Confederación Sindical de Comisiones Obreras (CC.OO.)
Confédération Mondiale du Travail (CMT)
Conseil International des Femmes
Conseil national des droits des peuples autochtones
Consejo Indio Exterior
Consejo Regional Indigena del Cauca (CRIC)
Conservation Cultural Act
Déclaration de Berne
Dignidad y Desarrollo para el Sur (DiDeSUR)
Echanges et Partenariats
Emaus fundación social - España
Estudio jurídico Tilsa Albani – Moira Villarroel - Argentine et Uruguay
Federación Mundo Cooperante de España
Fédération Internationale des Mouvements d’Adultes Ruraux Catholiques (FIMARC)
Fédération nationale des éleveurs centrafricaine
Fédération Syndicale Mondiale (FSM)
Front Siwa-Lima
Fundación Española para la Cooperación Solidaridad Internacional
Fundación Paz y Solidaridad Serafín Aliaga
German Peace Council / Berlin
Groupe de Réalisations et d’Animation pour le Développement (GRAD)
Instituto Latinoamericano de Servicios Legales Alternativos (ILSA) – Colombia
International Baby Food Action Network (IBFAN) & Geneva Infant Feeding Association
International Educational Development
International Federation of Tamil
International Indian Treaty Council
International Organization for the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (EAFORD)

Intersindical-CSC
International Youth and Student Movement for the United Nations (ISMUN)
Japan Lawyers International Solidarity Association (JALISA)
Japanese Association for UN Voluntary Fund
League Demanding State Compensation for the Victims of the Public Order Maintenance Law / Japan
Les Amis de la Terre – Comité du Rhône, France
Ligue Internationale pour les Droits et la Libération des Peuples (LIDLIP)
Mouvement Contre le Racisme et Pour l’Amitié Entre les Peuples
Movimiento Indio Tupaj Amaru
Murkele Organization
National Lawyers Guild / USA
Nord-Sud XXI
Observatorio Vasco de Derechos Humanos - Behatokia
RIDPA-GEDPA
Socialpress – Italia
Solidarité pour les Peuples Autochtones des Amériques (SOPAM)
SOLIFONDS
Swiss Federation of Tamils
Tebtebba Foundation
Vanakkam Group
Walang Alifuru
West Africa Coalition for Indigenous Peoples Rights (WACIPR)
Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF)
World Peace Council


Voir dossier CETIM sur les sociétés transnationales
Retour aux Campagnes



Centre Europe-Tiers Monde (CETIM)

Rue Amat 6

1202 Genève

Suisse

www.cetim.ch