Communiqués de presse

 

Historique : le Conseil des droits de l'homme ouvre des négociations sur de nouvelles normes internationales contraignantes concernant la responsabilité des sociétés transnationales en matière de droits humains !

26 juin 2014

Le Conseil des droits de l'homme vient d'adopter une résolution présentée par l'Équateur et l'Afrique du Sud qui établit un groupe de travail intergouvernemental chargé d'élaborer un instrument international juridiquement contraignant pour réglementer les activités des sociétés transnationales.

« Il s'agit là d'une décision historique qui peut potentiellement contribuer à mettre fin à l'impunité dont bénéficient trop souvent les sociétés transnationales pour les violations de droits humains commises, en particulier dans les pays du Sud, et garantir l'accès à la justice aux victimes de leurs activités », a réagit Melik Özden, directeur du Centre Europe-Tiers Monde (CETIM), une organisation basée à Genève qui se bat depuis de nombreuses années pour obtenir de nouvelles normes contraignantes.

Les pays occidentaux ont tenté jusqu'à la dernière minute de s'opposer à cette résolution en utilisant tous les moyens pour faire pression sur les autres États membres du Conseil des droits de l'homme. Le vote a été demandé par les États-Unis. Au final, la résolution a été adoptée par 20 voix en faveur, 14 oppositions et 13 abstentions. Tous les États occidentaux membres du Conseil des droits de l'homme ont voté contre la résolution. La grande majorité des pays du Sud, dont la plupart des pays africains, ainsi que la Chine, l'Inde et la Russie, se sont prononcés en faveur.

« Nous ne pouvons que regretter l'attitude peu constructive des pays occidentaux qui ont choisis de privilégier les intérêts des sociétés transnationales par rapport à la protection des droits humains », a continué M. Özden. « Ils ont d'ailleurs d'ors et déjà annoncé qu'ils ne participeraient pas aux travaux du groupe de travail intergouvernemental. »

Le groupe de travail tiendra sa première session en 2015 pour définir les éléments, l'étendue, la nature et la forme du futur instrument international. « Ce n'est que le début du processus, mais il s'agit déjà une grande victoire pour les peuples du monde, et en particulier pour les victimes dans le Sud, qui réclament depuis des années des normes contraignantes pour mettre fin à l'impunité des sociétés transnationales » a relevé M. Özden.

Tandis que les sociétés transnationales disposent de toute une batterie de lois, de mécanismes et d'instruments contraignants pour protéger leurs intérêts, seuls des codes de conduites volontaires et des normes non-contraignantes existent pour contrôler leurs impacts sur les droits humains et garantir l'accès à la justice pour les victimes de leurs activités. « Il était temps que le Conseil des droits de l'homme agisse pour corriger cette asymétrie dans le système international qui affecte en premier lieu les pays les plus pauvres et les plus faibles » s'est félicité M. Özden.

Depuis plusieurs mois des centaines d'organisations de la sociétés civiles et des mouvement sociaux du Nord comme du Sud se mobilisent en faveur de cette initiative. Nombres d'entre-elles ont convergé à Genève pour une semaine de mobilisation du 23 au 27 juin. De nombreux délégués du Sud et de représentants des victimes ont fait le voyage pour réclamer de nouvelles normes contraignantes pour mettre fin à l'impunité des sociétés transnationales. Le CETIM s'est fortement engagé aux côtés de la Campagne mondiale pour démanteler le pouvoir des transnationales et mettre fin à l'impunité. Les cas de Chevron en Équateur, Coca Cola en Colombie, Shell au Nigeria, Glencore-Xstrata aux Phillippines et Oceana Gold au Salvador ont notamment été présentés pour démontrer la nécessité d'un nouvel instrument international.

« En 60 ans d'exploitation pétrolière dans le Delta du Niger, les communautés locales n'ont pas connu le repos » a relevé Godwin Ojo des Amis de la Terre Nigeria. « Shell a systématiquement violé les droits humains et détruit l'environnement ainsi que les conditions de vie des communautés mais ni les campagnes internationales ni les lois et les agences de régulation nationales n'ont été capables de mettre fin à ces pratiques. Ce niveau d'impunité démontre la nécessité d'un instrument international contraignant qui oblige les sociétés transnationales à respecter les droits humains ».

« En 26 ans d’exploitation pétrolière en Amazonie équatorienne, Chevron a souillé plus de 450’000 hectares d’une des zones de la planète les plus riches en biodiversité et détruit les conditions de vie et de subsistance de ses habitants » a expliqué Pablo Fajardo, défenseur et représentant des victimes de Chevron en Équateur. « Or, après 21 ans de litige et malgré une condamnation de la justice équatorienne, Chevron refuse toujours de payer. Et pendant ce temps les victimes de ses activités en Équateur attendent toujours justice et réparation » a-t-il regretté. « Les codes de conduite volontaires ont montré leurs limites, seul un instrument international contraignant peut mettre fin à l'impunité des sociétés transnationales ».

« Des dizaines de syndicalistes sont assassinés chaque année en Colombie en toute impunité », comme l'a souligné M. Javier Correa, président du syndicat Sinaltrainal en Colombie. « Dans le cas de Sinaltrainal, 23 de nos syndicalistes travaillant pour Coca Cola ou Nestlé ont été assassinés ces dernières années. Or, ces sociétés transnationales utilisent des schémas complexes de franchises, de filiales et de sous-traitants pour échapper à la justice. La justice colombienne ne fait pas son travail et les tribunaux aux États-Unis et en Suisse, où ces deux transnationales ont leurs sièges, refusent d'entrer en matière. » a-t-il souligné. « Seules des normes internationales contraignantes permettront de tenir les sociétés transnationales responsables de leurs crimes en Colombie ! »

Le chemin est encore long mais aujourd'hui, et après près de 40 ans de discussions et de tentatives infructueuses à l'ONU, le processus est enfin lancé ! Le CETIM tient encore à féliciter les gouvernements de l'Équateur et de l'Afrique du Sud pour leurs leadership et également tous les États qui ont voté en faveur de la résolution malgré les nombreuses pressions reçues.

 

Pour plus d'information voir les Bulletins d'information n°47 et n°43, le Cahier critique n°10 et la Brochure n°2 du CETIM.
 
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Victoire pour les droits des paysans à l’ONU : le Conseil des droits de l’homme renouvelle le mandat du groupe de travail intergouvernemental chargé d’élaborer une Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans !

3 juillet 2014

Le Conseil des Droits de l’Homme a adopté une résolution autorisant la poursuite du processus en vue de l’adoption d’une Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan-ne-s et autres personnes travaillant en zone rurale (pastoralistes, ouvriers agricoles, nomades, pêcheurs, peuples indigènes, sans terre…). La Bolivie est en charge de démarrer les consultations informelles avec les États et la société civile et d’organiser une seconde session du groupe de travail intergouvernemental en novembre 2014. L’adoption d’une telle Déclaration peut potentiellement contribuer à mieux protéger les droits et améliorer les conditions de vie de millions de paysans et d’autres personnes travaillant en zones rurales.

Pour rappel, ce projet de Déclaration émane du mouvement paysan international La Via Campesina, composé de plus de 164 organisations paysannes à travers 73 pays, qui travaille sur ce dossier depuis plus de 10 ans. Avec l’appui du Centre Europe-Tiers Monde (CETIM) et de FIAN International, La Via Campesina a présenté cette proposition au Conseil des Droits de l’Homme en 2009. En 2012, une étude du Comité consultatif (organe d’experts) du Conseil des droits de l’homme reconnaissait que les paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales sont victimes de discriminations et de violations systématiques de leurs droits humains et recommandait l’adoption d’une telle Déclaration afin de mieux protéger et promouvoir leurs droits. Et en septembre 2012, le Conseil des Droits de l’Homme adoptait une résolution présentée par la Bolivie, Cuba, l’Équateur et l’Afrique du Sud par laquelle il établissait un groupe de travail intergouvernemental chargé d’élaborer et d’adopter une Déclaration sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales. Le dit groupe de travail a tenu sa première session en juillet 2013 et a conclut une première lecture du projet de Déclaration.

Lors de cette 26ème session, le Conseil des Droits de l’Homme devait examiner le rapport de la première session du groupe de travail et se prononcer sur un possible renouvellement de son mandat, afin que les discussions puissent se poursuivre sur la base d’un projet de Déclaration révisé. Les États membres du Conseil des Droits de l’Homme ont répondu favorablement aux revendications des organisations paysannes et ont accepté, à une écrasante majorité, de renouveler le mandat du groupe de travail intergouvernemental. La résolution déposée par la Bolivie a été a adoptée par 29 voix favorables, 13 abstentions et 5 oppositions.

Uniterre, le CETIM et l’autre syndicat sont extrêmement satisfaits de ce résultat car il démontre une adhésion croissante à ce processus (en 2012, le résultat était de 23 pour, 16 abstentions et 9 contre). Nous ne pouvons que regretter l’attitude intransigeante et peu constructive des États-Unis, de la Grande Bretagne, de la Corée du Sud, de la République Tchèque et de la Roumanie qui ont à nouveau voté contre la résolution. Il est cependant à souligner que des pays comme la France, l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie et l’Irlande qui étaient précédemment opposés ont pris l’option de s’abstenir. C’est non seulement le résultat d’un plaidoyer intense des organisations paysannes de La Coordination Européenne Via Campesina et de la société civile auprès de leurs gouvernements respectifs, mais aussi le signe encourageant d’un regard plus positif des gouvernements sur l’agriculture paysanne. Pendant la session, des délégations de La Via Campesina se sont également succédées pour poursuivre le plaidoyer.

Nous tenons à féliciter tout particulièrement la Suisse qui, sans avoir cette année le droit de vote au Conseil des Droits de l’Homme, a co-signé la résolution présentée par la Bolivie et a participé de manière très constructive tout au long des débats ! Cela est le reflet d’un plaidoyer constant et permanent entre les acteurs de la société civile et nos autorités et du dialogue constructif qui est en cours.

Dans les mois futurs, la Via Campesina et ses alliés redoubleront d’efforts pour tenter de convaincre les États encore réticents de la nécessité d’une telle Déclaration. Ce projet de Déclaration des Nations Unies est indispensable à la protection de l’ensemble de l’agriculture paysanne au niveau mondial qui fournit plus de 70% des aliments en ayant à peine 25% de terres à disposition. En consolidant les droits de celles et ceux qui jouent un rôle décisif dans la production d’aliments au niveau mondial, ce projet de Déclaration renforcera la souveraineté et la sécurité alimentaire pour l’ensemble de la population. Il n’y a pas de fossé entre le Nord et le Sud, La Via Campesina en est la preuve.

Nous remercions, au nom de La Via Campesina, la Bolivie, l’Afrique du Sud, Cuba et l’Équateur pour les efforts qu’ils ont fournis afin de faciliter un processus de travail constructif sur ce dossier au sein du Conseil des Droits de l’Homme.

Contacts presse :

Valentina Hemmeler Maïga, Uniterre, 079 672 14 07

Melik Özden, CETIM, contact@cetim.ch, 022 731 59 63

 
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Sociétés transnationales et droits humains : le moment est venu pour le Conseil des droits de l'homme d'adopter des normes contraignantes !

24 juin 2014

Le Conseil des droits de l'homme examine actuellement un projet de résolution déposé par l'Équateur et l'Afrique du Sud afin d'élaborer de nouvelles normes internationales contraignantes sur les sociétés transnationales et les droits humains. Cette initiative, soutenue par 85 États dans une déclaration orale au Conseil des droits de l'homme en septembre 2013, peut potentiellement contribuer à mettre fin à l'impunité dont bénéficient bien souvent les sociétés transnationales pour les violations de droits humains commises et garantir l'accès à la justice pour les victimes de leurs activités.

Des centaines d'organisations et de mouvements sociaux du monde entier s'engagent en faveur de cette initiative. Ils se mobilisent à Genève du 23 au 27 juin afin de faire pression sur les États membres du Conseil des droits de l'homme et sensibiliser l'opinion publique internationale. Une grande conférence publique est notamment prévue pour ce soir (mardi 24 juin) à 20h à la Maison des Associations. Un rassemblement aura lieu demain mercredi 25 juin dès 16h sur la Place des Nations et dès 18h un cortège partira pour réaliser une visite guidée de la « Genève des transnationales ». De nombreux représentants des victimes dans les pays du Sud ont fait le voyage.

Le CETIM est fortement engagé dans cette mobilisation de la Campagne mondiale pour démanteler le pouvoir des transnationales qui regroupe des centaines d'organisations qui luttent contre l'impunité. Cinq cas (déclarations écrites) ont été conjointement présentés au Conseil des droits de l'homme : il s'agit des cas de Chevron en Équateur, Coca Cola en Colombie, Shell au Nigeria, Glencore-Xstrata aux Phillippines et Oceana Gold au Salvador. Une déclaration orale conjointe a également été réalisée (voir également ici).

Ces cas illustrent l'impunité dont continuent de bénéficier les sociétés transnationales pour les violations de droits humains commises, en particulier dans les pays du Sud. Ils mettent également en évidence les obstacles auxquels font face les victimes dans leur quête de justice et de réparation et démontrent la nécessité d'adopter de nouvelles normes internationales contraignantes.

Le CETIM suit le débat à l'ONU sur cette question depuis une trentaine d'années. Il a été le témoin du pouvoir économique et politique croissant des sociétés transnationales et de l'échec de toutes les tentatives pour sérieusement contrôler leurs activités et leurs impacts sur les droits humains. Les sociétés transnationales bénéficient aujourd'hui de toute une batterie d'instruments normatifs dotés de forts mécanismes d'application pour protéger leurs droits et leurs intérêts (traités de libre échange, traités sur les investissements etc.), elles peuvent même attaquer les États en justice au delà des juridictions nationales. Mais parallèlement nous ne disposons au niveau international que de codes de conduites volontaires et de principes directeurs juridiquement non-contraignants, dépourvus de mécanismes de sanction, pour contrôler leurs impacts sur les droits humains et assurer l'accès à la justice pour les victimes de leurs activités. Les pays et les peuples du Sud sont les principales victimes de cette asymétrie. C'est pourquoi le CETIM se bat depuis tant d'années à l'ONU pour obtenir des normes contraignantes.

« Il est temps pour le Conseil des droits de l'homme de corriger cette asymétrie dans le droit international. Ce qu'il a fait jusqu'à maintenant est largement insuffisant. C'est une illusion de croire que l'on pourra encadrer les activités des acteurs les plus puissants de l'économie mondiale avec des normes volontaires et non-contraignantes. La récente crise économique et financière a bien montré les conséquences d'une foi aveugle en l'auto-régulation du marché. Le moment est venu d'élaborer et d'adopter des normes internationales contraignantes sur les sociétés transnationales et les droits humains ! », précise Melik Özden, directeur du CETIM. « Le problème a été clairement identifié et les solutions sont connues. Il s'agit maintenant de faire preuve de volonté politique. »

Dans ce contexte, le CETIM se félicite de l'initiative lancée au Conseil des droits de l'homme par les gouvernements d'Équateur et d'Afrique du Sud. Des consultations informelles ont eu lieu tout au long des deux premières semaines du Conseil des droits de l'homme. Un projet de résolution a été déposé officiellement le 19 juin dernier. Vu l'opposition des pays occidentaux, le texte devrait être soumis au vote des États membres du Conseil des droits de l'homme le jeudi 26 ou le vendredi 27 juin. Le CETIM regrette l'opposition des pays occidentaux, et en particulier de l'Union européenne et des États-Unis, qui tout au long des consultations informelles ont fait preuve d'une attitude peu constructive et ont annoncé leur intention de voter en bloc contre le projet de résolution, faisant passer les intérêts de leurs sociétés transnationales au-dessus de la protection des droits humains, en particulier lorsque les violations sont commises dans les pays du Sud.

« Les sociétés transnationales qui ont leurs sièges dans nos pays doivent pouvoir être tenues responsables de leurs actes et leurs crimes dans les autres pays. Il en va de la crédibilité du système international des droits humains », poursuit M. Özden. Nous appelons tous les pays membres du Conseil des droits de l'homme à soutenir l''initiative de l'Équateur et de l'Afrique du Sud en faveur de normes internationales contraignantes sur les sociétés transnationales et les droits humains. Nous appelons en particulier les pays occidentaux à s'engager fermement en faveur des droits humains en soutenant cette initiative, ou du moins, en ne s'y opposant pas.

 

Il est possible d'organiser des entretiens avec les représentants des victimes des crimes des sociétés transnationales dans les pays du Sud qui sont présents à Genève cette semaine.

Pour plus d'information voir les Bulletins d'information n°47 et n°43, le Cahier critique n°10 et la Brochure n°2 du CETIM.
 
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La mort de Mandela : la lutte continue

16 décembre 2013

Voir certains chefs d'Etat occidentaux trôner à la tribune d'honneur du stade de Soweto, lors de la cérémonie d'adieu à Nelson Mandela, avait assurément quelque chose d'indécent ; entre autres, pour nous basés à Genève, la présence affichée sans vergogne de représentants de la Suisse ; une Suisse dont le Conseil fédéral bloque encore aujourd'hui toutes recherches sur les liens étroits que l'establishment de ce pays, en large part en tout cas, a entretenus avec le régime d'apartheid ; jusqu'au bout et même au-delà.

L'hypocrisie de certains hommages, notamment venant d'Etats, comme la Grande-Bretagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, le Japon, est d'autant plus choquante quand on sait le soutien que ces derniers ont apporté pendant des décennies à cet odieux régime.

Et que penser de l'étonnement feint de la plupart des journalistes à la vue, parmi les rangs officiels, de Mugabe ou de Raul Castro. Quels auraient été leurs propos si le frère de ce dernier, Fidel, et plus encore Kadhafi y avaient figuré, si la santé du premier et l'assassinat du second ne les en avaient pas empêchés ? Pourtant, leur place y auraient été particulièrement légitimes, quoiqu'on pense d'eux. Mandela ne s'y était d'ailleurs pas trompé : à peine sorti de prison, ces dirigeants furent parmi les premiers qu'il rencontra, avec une chaleur spécialement évidente1 !

Dès sa création, et même avant qu'il soit officiellement constitué, le CETIM a placé le soutien aux luttes du peuple sud-africain au premier rang de ses activités. Aux côtés du Mouvement anti-apartheid de Suisse (MAAS), notamment, avec lequel il partageait militantes et militants, et même archives2, le CETIM mena autant qu'il pouvait ce combat essentiel : la liste de ses publications, séminaires, meetings, projections consacrés à l'époque à cette lutte est tout spécialement longue.

Récemment encore, en 2003, le CETIM a organisé une vaste série de conférences pour mettre en lumière la densité des relations, bancaires, industrielles, militaires ou autres, que les milieux d'affaires et la plupart des dirigeants politiques suisses ont entretenu, et entretiennent toujours, avec l'Etat d'Israël, avec les tenants du régime d'apartheid d'Afrique du Sud d'hier, et entre les élites politiques et militaires de ces deux pays, jusqu'en 1994.

Quant à son tout dernier ouvrage, tout juste sorti de presse, La Coupe est pleine, une bonne part de ses pages sont consacrées à l'organisation, truffée de scandales, de la Coupe du monde football dans ce dernier pays en 2010 ? et plus généralement aux désastres économiques et sociaux des grands événements sportifs.

Les journalistes et commentateurs ont expliqué la ferveur des hommages rendus de toute part à Mandela par son charisme particulier, mais surtout parce qu'il se serait fait « apôtre de la réconciliation et du pardon ».

Mais de quelle « réconciliation » parle-t-on ? Hier, aujourd'hui comme demain, il appartient au peuple d'Afrique du Sud, et aux peuples du monde en général, de lui donner sens et direction, d'en discuter le contenu et les conditions. Il ne s'est jamais agi de lutte entre « Noirs et Blancs », mais de luttes des exploités, des peuples spoliés et dominés contre leurs exploiteurs et la dictature absolue des oligarchies financières et d'affaires, pour changer radicalement l'organisation de la société mondiale.

Cette lutte, celle contre d'autres formes d'apartheid, l'injustice, l'oppression, les exploitations de toute sorte, là-bas comme ici et partout ailleurs, est toujours d'actualité !

1 A noter que les premières distinctions internationales qu'il reçut, alors encore embastillé, furent : en 1979, le « Prix Nehru pour la paix » attribué en Inde et, en 1989, le « Prix Kadhafi des Droits de l'homme », décerné par la Fondation Nord-Sud XXI dont le siège est à Genève.

2 Il faut ajouter à cela la collaboration étroite que le CETIM avait établie à ce sujet à l'époque avec l'aile marchante du Conseil œcuménique des Eglises (COE) et dont il publia en 1975 un rapport, Ecumenical involvement in Southern Africa ? rapport par la suite retiré des vitrines par l'instance dirigeante de cette organisation !
 
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Le Président de la Bolivie séquestré en Europe :

Lettre de soutien au sommet anti-impérialiste en Bolivie

30 juillet 2013

Le Centre Europe – Tiers Monde (CETIM) tient à exprimer sa solidarité avec le peuple bolivien et son Président Evo Morales suite à la séquestration de ce dernier en Europe, le 2 juillet 2013.

L'avion présidentiel de l'Etat plurinational de Bolivie a été interdit de survol des territoires français, espagnol, italien et portugais puis a été retenu à l'aéroport de Vienne en Autriche pendant quatorze heures. Ces gouvernements occidentaux ont en effet suivi les ordres de Washington qui soupçonnait la présence d'un des hommes les plus recherchés des Etats-Unis, Edward Snowden, dans l'avion présidentiel. Evo Morales et ses compagnons ont été ainsi littéralement séquestrés et ont fait l'objet d'un chantage impensable au 21ème siècle, puisque l'Ambassadeur d'Espagne en Autriche a exigé l'inspection de l'avion présidentiel comme condition à son départ.

Lisbonne, Madrid, Paris et Rome ont par la suite présenté des excuses officielles à La Paz mais l'on est en droit de s'inquiéter de ces agissements qui vont à l'encontre du droit international, une fois de plus mis à mal par des pays « donneurs de leçons » qui se revendiquent démocratiques et souverains. Rappelons-nous que certains de ces mêmes pays n'ont pas eu le même réflexe lorsqu'il s'est agi d'autoriser le survol de leur espace aérien des avions clandestins de la CIA qui transféraient des « suspects » vers des « sites noirs » où ils étaient soumis à la torture (17 États de l'Union européenne selon le rapport de l’Open Society Justice initiative), sans parler des prisons secrètes en Europe.

Le CETIM se réjouit cependant de la vague de solidarité citoyenne exprimée dans le monde entier et de solidarité exercée par les pays de l'ALBA (Alternative bolivarienne pour les peuples des Amériques) et les autres pays latino-américains, à l'égard du Président bolivien dans la défense de sa souveraineté et de sa dignité. Cette solidarité soulève beaucoup d'espoir dans la construction d'une société alternative.

Le CETIM souhaite un franc succès au sommet anti-impérialiste organisé par la Paz en cette fin de semaine.
 
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Les droits des paysans en bonne voie malgré l'opposition des États-Unis et de l'Union européenne

26 juillet 2013

Le Groupe de travail intergouvernemental du Conseil des droits de l'homme de l'ONU a entamé la première lecture du projet de Déclaration sur les droits des paysans. Le CETIM se réjouit du soutien de l'écrasante majorité des Etats à ce processus.

La première session du Groupe de travail intergouvernemental du Conseil des droits de l'homme, chargé d'élaborer une Déclaration de l'ONU sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans des zones rurales, s'est tenue à Genève entre les 15 et 19 juillet 2013. Le CETIM, en collaboration avec d'autres organisations, en particulier La Vía Campesina, soutien le processus depuis le début.

Le CETIM se réjouit du soutien apporté par l'écrasante majorité des États participants qui ont souligné la nécessité et l'importance de l'adoption d'une Déclaration sur les droits des paysans dans la lutte contre la discrimination à l'égard de ce groupe de population et pour l'amélioration de leurs conditions de travail et de vie.

Cependant, il est à déplorer que les États-Unis et la plupart des pays membres de l'Union européenne en particulier s'y soient opposés en avançant surtout des arguments procéduraux fallacieux et en déclarant qu'ils sont contre l'adoption de « nouveaux droits ». A ce titre, ces États, tout en faisant des commentaires généraux, ont réfusé de participer aux négociations sur la Déclaration en question au risque de ne pas voir y figurer les préoccupations spécifiques de leur paysannerie.

Les débats se sont focalisés en particulier sur le droit à la terre, la notion de souveraineté alimentaire et la propriété intellectuelle (sur les semences par exemple).

Durant les débats, le CETIM a suggéré l'inclusion du droit à la sécurité sociale et des mesures que les Etats devraient prendre pour la mise en oeuvre de ladite Déclaration.

Rappelons que cette Déclaration constituera un outil efficace dans la lutte contre la faim et les inégalités.

A l'issue de ses délibérations, le Groupe de travail a décidé de tenir sa deuxième session en 2014 et de confier à sa Présidente-Rapporteuse Mme Angélica C. Navarro Llanos (Bolivie) la préparation d'un nouveau texte à la lumière des discussions qui ont eu lieu la semaine dernière.
 
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Forum sur les entreprises et les droits humains :

Que cache le méga show à l'ONU ?

3 décembre 2012

On observe depuis trois décennies la montée en puissance des sociétés transnationales (STN). Quelques centaines de STN contrôlent l’essentiel de la production et de la commercialisation des biens et des services au niveau mondial. Cette position leur confère un pouvoir sans précédent dans l’histoire. De plus, la transformation des activités bancaires et la concentration du capital financier dans les mains de quelques entités transnationales menacent désormais non seulement l'économie réelle mais également la démocratie.

Partout et nulle part (juridiquement parlant), les STN ont recours à des montages complexes et bien souvent artificiels pour éluder leurs responsabilités dans des violations des droits humains, mais aussi pour échapper aux législations sur le travail, l'environnement et la fiscalité.

C'est dans ce contexte que se tiendra le 1er Forum sur les entreprises et les droits de l'homme au Palais de Nations à Genève (4 et 5 décembre 2012). Issu d'une résolution du Conseil des droits de l'homme, ce Forum réunira, aux côtés des Etats, ONG et institutions nationales des droits humains, les représentant-e-s des STN telles que ABB, Chevron, Shell, BP, Repsol, PepsiCo, UBS... comme si toutes ces entités étaient sur un pied d'égalité !

Le mandat de ce Forum se limite essentiellement au recensement « des bonnes pratiques  » des STN et à la promotion des « Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme », élaborés par John Ruggie en 2011, ancien Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU et consultant entre autres de Barrick Gold Corporation. Il présidera d'ailleurs le Forum de l'ONU ! Le problème est que ce Forum n'a pas été habilité non plus à traiter des plaintes concernant les violations des droits humains commises par des STN.

Menant des recherches sur ce thème et les limites des codes de bonne conduite depuis des décennies, le CETIM estime que seule l'adoption par les Etats de normes contraignantes pour encadrer les activités des STN qui violent les droits humains pourra contrecarrer la puissance de ces dernières (voir ci-dessous). Il est à regretter que l'ONU semble avoir jeté l'éponge pour l'adoption de telles normes, le dossier étant bloqué mais il ne doit pas pour autant être abandonné. Il est temps de replacer la politique au-dessus de l'économie.

Pour toutes ces raisons, le CETIM ne participera pas et ne servira pas de caution à ce méga show.
 
Pour de plus amples informations à ce sujet, voir :
  Bulletin n° 43 du CETIM (août 2012)
  Sociétés transnationales : acteurs majeurs dans les violations des droits humains (décembre 2011)
 
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Vers l’adoption d’une déclaration internationale sur les droits des paysans et autres personnes vivant dans les zones rurales par l’ONU !

septembre 2012

C’est avec une immense satisfaction que le syndicat paysan Uniterre, représentant en Suisse du mouvement paysan international La Via Campesina, et ses partenaires sur ce dossier le Centre Europe Tiers Monde (CETIM) et FIAN Suisse, peuvent annoncer que le Conseil des Droits de l’Homme a jugé nécessaire de mieux protéger les droits des paysannes et des paysans à travers le monde. La Suisse s’abstient lors du vote.


Après de nombreuses années de travail, la société civile, soutenant l’initiative du syndicat des paysans familiaux La Via Campesina, a réussi à convaincre la majorité des Etats membres du Conseil des Droits de l’Homme de l’absolue nécessité de disposer d’un nouvel instrument juridique international qui prendra la forme d’une déclaration des Nations Unies. Celle-ci a pour objectif de réunir en un seul texte les droits spécifiques aux paysannes et aux paysans et d’intégrer de nouveaux droits tels que les droits à la terre, aux semences, aux moyens de production ou à l’information dans le domaine agricole.


Le Conseil des droits de l’Homme - partant du constat que 80% des personnes souffrant de la faim vivent en zone rurale et que 50% d’entre elles appartiennent à la petite paysannerie - a estimé qu’une attention particulière devait leur être porté. En s’engageant à protéger leurs droits fondamentaux et spécifiques, il estime pouvoir contribuer à réduire la faim dans le monde.


Le Conseil des droits de l’Homme a donc décidé de mettre sur pied un groupe de travail intergouvernemental chargé de rédiger un projet de déclaration sur les droits des paysans et autres personnes vivant dans les zones rurales. Il s’appuiera sur le projet présenté par le Comité consultatif en mars 2012. Les premières réunions de travail devront se tenir dès 2013 et elles s’étaleront sur quelques années avant que le texte final soit adopté par le Conseil des droits de l’homme, puis par l’Assemblée générale de l’ONU. La société civile et les représentants des familles paysannes sont appelés à participer activement à ce processus, autre point particulièrement réjouissant.


Uniterre, le Cetim et FIAN Suisse regrettent profondément l’abstention de la Suisse sur un dossier d’une telle importance qui aurait dû obtenir le plein soutien d’un pays qui a fait des droits humains une des bases de sa politique étrangère.


Uniterre, le Cetim et FIAN Suisse déplorent par ailleurs le vote négatif d’un certain nombre d’Etats de l’Union européenne ainsi que les Etats Unis qui se sont ainsi opposés à une protection spécifique des paysannes et des paysans. Ces Etats, probablement mis sous pression par certains puissants lobbies (grands groupes économiques, spéculateurs, industries agro-alimentaires ou extractives), n’ont pas osé soutenir leur paysannerie, faisant fi des droits élémentaires et de l’intérêt général de leurs citoyen-ne-s face à ces acteurs qui ne cessent de violer les droits des paysannes et paysans à travers le monde.

 
Pour de plus amples informations à ce sujet, voir :
  Bulletin n° 44 du CETIM (bientôt disponible en ligne, décembre 2012)
  Bulletin n° 40 du CETIM (2011)
 
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Ahmed Ben Bella: une vie pour la libération des peuples
13 avril 2012

Ahmed Ben Bella vient, à l'âge de 96 ans, de nous quitter. Leader historique du Front de libération nationale et premier Président de l'Algérie indépendante, Ahmed Ben Bella a passé toute sa vie à lutter pour la libération et le développement des pays africains, tout comme de l'ensemble des pays du Sud.


Il était un éminent membre fondateur du mouvement des Non-alignés, issu de la conférence de Bandung (18-24 avril 1955). Cette conférence s'est tenue quelques mois après le commencement de la guerre de libération algérienne le 1er novembre 1954.
Ahmed Ben Bella a passé plus de 24 ans en prison au total, d'abord dans les geôles françaises, puis en Algérie, après le coup d'Etat de Boumedienne, perpétré en 1965. Libéré en 1981, il est devenu une personnalité connue dans le monde entier. Après l'élection de Bouteflika en 1999, Ahmed Ben Bella a été réhabilité dans son pays. C'est ainsi qu'en 2007, il a été nommé par l'Union africaine Président du groupe des Sages pour résoudre les différents conflits de ce continent.


Ahmed Ben Bella était également un membre fidèle du Centre Europe - Tiers Monde (CETIM) depuis de longues années. Pendant son séjour en Suisse, il était un soutien de poids à notre organisation.


Nous présentons nos condoléances à sa famille, au peuple algérien et aux peuples de tous les "Suds".

Cruz Melchor Eya Nchama
Président du CETIM